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UNE NOCE, 445 Séparée des autres bâtiments par un haut treillage et cou- pée diagonaletnent par un blanc rayon du soleil, la basse- cour eût mérité d'être peinte par un de ces maîtres charmants qui excellent à rendre les scènes naïves des intérieurs cham- pêtres. Certes, M. Husson, le peintre de la Tutelle et de la Volière, eût été ravi de trouver si bien groupé, sous celle dia- phane lumière du malin qui idéalise tous les contours qu'elle caresse, le plus joli de tous les tableaux. A l'un des angles de la cour et adossée au treillage, Louise venait de jeter des graines à tous les volatiles familiers. Au- tour d'elle criaient, remuaient, se disputaient des poules, des pintades, des canards et des paons. Ces derniers, perchés à droite sur un monceau de fagots, piquaient et choisissaient leurs graines préférées dans le tablier pesant, à grand'peine retenu en corbeille par la main droite de la jeune fille; des coqs jaloux s'essayaient à l'escalade et grimpaient près des paons en signalant, parunpelitcri menaçant et présomptueux, leurs intentions batailleuses; mais les paons, que leur appétit n'empêchait pas de jeter un regard de minute en minute sur ces hardis parlageurs, les balayaient d'un coup de queue et les faisaient retomber lourdement sur le sol; fort sages étaient ceux d'entre eux qui, lassés d'une lutte aussi inégale,venaient se joindre à la tranquille tribu des poules et des canards qui se gorgeaient paisiblement à gauche de la jeune fille, autour d'un petit las de grains que le tablier mal retenu, faisait amon- celer de leur côté. Distraite par les colombes, Louise prenait peu de part à tous ces troubles et aux larcins des paons; quelques pigeons et deux colombes blanches, posés sur ses épaules, becquetaient son cou et s-a chevelure voltigeant en boucles légères au souffle du malin; elle avait beau leur tendre sa main pleine de blé et de sarrasin, les charmants oiseaux ne voulaient que des caresses, et elle riait de les voir se presser autour d'elle avec