page suivante »
UNE NOCE. 144 la patience d'écouter ces gens grossiers et insupportables. Moi qui n'ai pas ta vertu, je me sauve au jardin. Un tel exemple parut au jeune homme fort bon à suivre; il préféra paraître à sa cousine trop discret ou peu empressé de rester auprès d'elle que faire devant le père Fontaine la figure d'un homme qui a reçu une leçon ; mais au lieu de sui- vre Madame Girard, dont la tournure d'esprit ne lui plaisait pas, il eut l'idée d'aller jusqu'à l'étable, où il vit sur une fraî- che litière le mouton nouvellement pansé; l'étable exhalait cette odeur laiteuse qui peut déplaire à des petites maî- tresses, mais une porte de grange envoyait des senteurs de foin; la paille, soigneusement renouvelée, jonchait la terre battue, tout respirait la propreté, depuis les râteliers luisants où ne restait rien du repas matinal des bestiaux partis pour les champs, jusqu'à la rigole où glissait un filet d'eau limpide des- tinée à tout purifier dans son courant; aussi Frédéric dut-il convenir qu'une femme avait pu venir, sans se souiller , jus- qu'au mouton qui bêlait, tristement, tandis que son corps tres- saillait sous le frisson de la douleur. —Ce fut là que M. Girard trouva son neveu. Après quelques compliments affectueux, ils revinrent par le jardin et M. Girard dit à Frédéric : — On l'a dit la grande surprise? — La surprise! non, je ne sais rien, répondit Frédéric étonné. — Pas encore ! lu n'as donc pas vu ma belle-fille , dit M. Girard en riant? — Si, au contraire ; mais elle ne m'a rien dit. Qu'est-ce donc? — Je suis donc maintenant plus bavard qu'Olympe! Eh! bien, puisque j'ai commencé, je ne le ferai pas atlendre plus longtemps. Aussi bien, voilà le père Fontaine qui complote au salon avec ma fille; je ne les devance que de quelques mi-