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140 UNE NOCE.
Vêtue d'une robe de toile lilas, de la couleur et de la fraî-
cheur d'une pervenche nouvellement dépliée, Louise ne por-
tait pas de traces de sa visite a l'élable, et s'il se fût écoulé plus
de quelques minutes depuis le moment où Batiste était allé
la prévenir de l'arrivée de son cousin, celui-ci eût pu croire
qu'elle venait de refaire une toilette en son honneur. Sou-
riante, mais calme, car sa première émotion était passée, la
jeune fille s'avança vers Frédéric et le reçut avec une grûce
parfaite.
Frédéric fut si ému de revoir Louise embellie par cet été
passé en plein air au milieu des fleurs, qu'il sut gré à Olympe
de fournir sa note aigre-douce à la conversation; les ques-
tions moqueuses sur la santé du mouton lui permirent de se
remettre de son trouble, et, au bout d'un instant, il put plai-
santer légèrement sa cousine sur les talents qu'elle tenait
cachés avec le même soin que d'autres mettraient à s'en
parer.
Louise allait répliquer gaiement, car elle n'était jamais em-
barrassée pour ces sortes de luttes enjouées, et savait à mer-
veille se tenir aussi loin d'une susceptibilité ombrageuse que
de celle mollesse qui fait qu'on s'abandonne, soi, ses habiludes
et ses opinions, Ã qui sait bien railler; mais la porte s'ouvrit
de nouveau, et Batiste vint poser sur un guéridon le petit car-
ton vert que Frédéric avait vu entre les mains du père Fon-
taine.
— Qu'est-ce que cela, Batiste? demanda Louise.
— Le père Fontaine vous apporte ce carton de Mâcon,
Mademoiselle, et il est là qui voudrait bien vous parler.
— Qu'il entre donc, il arrive fort à point, répondit-elle.
— Tu es vraiment trop bonne avec tous ces paysans, ma
chère Louise, dit Olympe, ne devrais-tu pas leur assigner
une heure au lieu de te laisser déranger par eux à chaque
instant? Allons, recois celui-ci, puisqu'il est là et que tu as