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 464                        DU PRÉTENDU PASSAGE

  d'un doute sur le voyage de saint Paul. » Ce défi au monde entier était bien
  inutile puisque M. Peladan cite immédiatement des autorités qui le con-
  damnent ; il est vrai qu'il préieni atténuer la portée de ces textes, mais
- en admettant même ses interprétations, ils exprimeraient au moins ce doute
  nié par lui en principe. Mais voici d'abord la phrase du pape Gélase :
  « fi. Paulus dpostolus non ideo fefellisse credendus est aut sibi extilisse
  a contrarias quoniam, eum se ad Hispaniam promississet ilurum, provi-
  « sione divina majoribus occupatus negoliis , iinplere non potuit quod
  « promississet, » la négation ne peut être plus absolue : « Il ne faut pas,
  « dit le saint Pontife, accuser le bienheureux Apôtre de mensonge ou d'er-
  « reur parce qu'il ne put pas accomplir sa promesse, quoniam non potuit, »
  et c'est dans ce sens que saint Thomas d'Aquin entend ce passage qui, du
  reste n'a rien d'obscur. Quant au texte de saint Jérôme, j'aurais dû,
  pour être plus exact, dire que M. Peladan, en citant cinq textes de ce doc-
 teur en faveur de son opinion, calcule mal ; il en manque un à ce compte,
  et sur les quatre qui restent il y en a deux qui sont défavorables au voyage
  d'Espagne. Dans le commentaire sur Isaïe, il y a une erreur îbigrante ; le
  fragment du commentaire sur Amos n'est qu'un mouvement oratoire em-
  prunté àl'épître aux Romains; dans la lettre à Lucinius (1), saint Jérôme, en
 reproduisant le passage en question, semble au contraire rejeter le fait,et son
 opinion intime à cet égard se révèle parla phrase du commentaire surl'épître
 aux Epbésicns que M. Peladan croit pouvoir alléguer à son avantage. En disant
 que saint Paul « était allé en Espagne ou qu'il se disposait à y aller, » le saint
 docteur émet sur cet événement un doute bien caractérisé et ce doute met à
 néant toutes les affirmations des Pères grecs (2). Mon honorable adversaire est

   (1) C'est évidemment à cette lettre que M. Peladan a voulu faire allusion
en parlant d'une « épitre à llelvidiiis. » Ces mots doivent être le fait
d'une méprise. Saint Jérôme n'a point écrit à'épitre à Hclvidius, mais un
traité contre cet hérésiarque, et il n'y est pas question du voyage de saint
Paul. M. Peladan se trompe encore lorsque, pour atténuer la portée de
cette lettre, il prétend qu'elle est « une œuvre de jeuu'sse du grand doc-
teur : » Saint Jérôme avait plus de 70 ans quand il récrivit.
   (2) Les commentaires s ir les épîlrcs de saint Paul qui ont été long-
temps atlrihués à saint Jérôme, mais .|ue l'on a reconnu être l'œuvre de
l'hérésiarque Pélnge, renferment un douta semblable et nettement formulé :
Vtrum in Hispania fuerit incerlum habelur, y est-il dit de l'apôtre des
Gentils. Quelque dangereux qu'il soit sur le dogme, le témoignage de
Pelage n'est pas à rejeter dans une question historique ; M. Peladan n'a
pas craint lui-même d'invoquer l'autorité de l'hérétique Pearson. D'ailleurs
Pelage n'est pas hérésiarque en toutes choses ; vivant au commencement
du Ve siècle, son opinion est d'un grand poids, d'autant plus qu'elle s'ac-
corde avec les doutes semblables de saint Jérôme, et manifeste ainsi le
mouvement des esprits, qui passaient des affirmations mal fondées des
écrivains grecs aux négations motivées des Latins.