page suivante »
DES TENDANCES DE l/ART. 471 Scheffer ou de Delacroix ? le paradoxe sentimental plus sé- duisant que celui de Georges Sand? la mélancolie plus éner- gique que celle de Victor Hugo ? le chant plus doux que celui de Lamartine ? la douleur passionnée se traînant entre le cynisme et le remords, avec un accent plus déchirant que celui d'Alfred de Musset? Si nous descendons jusqu'à ces interprètes , dont l'unique mission est de reproduire une oeuvre qu'ils n'ont pas faite , nous cherchons en vain les successeurs, non seulement de Mars et de Rachel, de Lablaehe et de Malibran, mais même ceux de Déjazet et d'Arnal. Au fait général que j'énonce , on peut signaler de grandes, de glorieuses exceptions. Cependant, je crois avoir le droit de dire, que les représentants actuels de l'art, dans tous les degrés de la hiérarchie' intellectuelle , sont infé- rieurs à ceux qui les ont précédés. Faut-il en conclure que la somme d'esprit dépensée dans le monde d'aujourd'hui soit moindre qu'elle ne l'était dans celui d'hier ? assurément non. Le contraire est suffisam- ment démontré par la quantité de productions sérieuses et intelligentes que nous voyons éclore chaque jour. Nous avons beaucoup de bons travaux, mais peu de chefs-d'œu- vre, beaucoup de gens instruits, mais peu de vrais savants, beaucoup d'hommes cultivant les arts, mais peu de grands artistes. En un mot, nous trouvons du talent partout, du génie nulle part. Le génie n'est pas nécessaire pour pratiquer les arts, mais pour leur imprimer une direction, il est indispensable. Chaque époque a ses tendances, ses aspirations spéciales ; la figure de cet être immortel, qu'on appelle l'humanité , prend à chacun de ses âges une physionomie particulière ; au génie seul appartient le privilège de saisir le trait nou-