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396 LES SARRASINS DANS LE LYONNAIS. comme dans les choses ; ces adorateurs du présent, qui les dé- vore eux-mêmes, et qui anéantit tout autant de choses hu- maines qu'il en crée. « Mais pardon de cette digression déplacée à propos de la rivière d'Ain, à laquelle les Arabes avaient donné un nom sonore comme l'écho des rochers d'où il tombe en cascades de saphir, et que les Gaulois ont rendu muet comme leur langue de corne et de caoutchouc. « Après s'être rafraîchie et enivrée comme l'Arabe lui- même au vent, cette rivière, femelle du Rhône, se précipite vers lui en face des plaines du Dauphiné. » Ainsi donc, croyance poétique et gracieuse, ce serait aux Musulmans que ce torrent bleu, que nos paysans appellent la grahd'rivière, doit son nom ? Ce mot est, dans le désert, le nom de l'eau par excellence; c'est aussi le cristal de l'œil, limpide et pur comme l'eau des fontaines; c'est l'onde, pour nos populations qui n'ont jamais a souffrir de sa privation, Aïn pour la caravane altérée qui voit devant elle la délivrance et la vie. D'après M. de Lamartine, les tribus poursuivies par Tépée de Charles-Martel ont salué ces flots d'un cri de joie; ce cristal si pur, ce miroir étincelant, c'était la barrière infranchissable pour leurs ennemis ; c'était la fin de leurs angoisses et de leur terreur; c'était, comme au désert, la délivrance, Àïn, la rivière ! Pardonnons la distraction du poète, qui a fait venir nos parrains par la Hongrie et l'Aile— mague ; acceptons ce baptême dont se porte garant un homme de génie, et voyons-y une preuve de plus du rôle immense que les guerriers de l'Yemen et du Nedjd ont joué dans nos pays. Mais, diront à leur tour les hommes graves, oubliez-vous le vieux nom, l'antique nom de notre poétique rivière, le Danus des chartes et des cartulaires, le Dain de notre ancien langage, dont la racine paraît être la même que celle du