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                UN AUTOGRAPHE DE NAPOLÉON Ier.                   375
Desaix, vainqueur et victime de Marengo, puis des lettres des
 savants Monge, Berthollet, Larey, etc., etc.
   Je fis moi-même des découvertes inconcevables ; mais toutes
s'éclipsèrent devant un pli qui offrit à mes regards les douze li-
gnes et la grande T de Napoléon ; je restai muet de surprise.
                     V
Puis, capitulant avec la droiture habituelle de ma conscience, je
me dis qu'une feuille de papier avait peu de valeur en elle-même,
que mon ami le docteur M... était assez riche de tout ce qui était
étalé devant moi sans qu'il fallût encore me priver, pour le lui
laisser, du petit fragment que le sort m'avait fait trouver ; que
j'aurais mauvaise grâce à rejeter cette libéralité du destin ; que
je ne prendrais, en me l'appropriant, qu'un chiffon de papier qui
n'avait rien coûté à son possesseur actuel, et mille autres raisons
tout aussi mauvaises mais qui semblent excellentes quand elles
caressent nos désirs et flattent notre coupable cupidité.
   Après cette capitulation insidieuse, j'insérai adroitement l'il-
lustre autographe dans une poche de côté qui sembla s'ouvrir
complaisamment comme pour receler mon magnifique rapt; puis
la conscience mal à l'aise, mais satisfait d'avoir mené à bien ma
conquête, je continuai à fouiller dans ces papiers épars devant
m o i , certain pourtant de n'y rien trouver d'aussi splendide que
ce que je venais d'empocher.
   Soudain le docteur M... s'écrie : « Messieurs, tout ce que vous
« avez découvert n'est rien auprès d'un autographe de Napoléon
c qui doit se trouver parmi ces papiers et que j'ai vu hier. » A
 e
ces mots, chacun redouble de zèle pour s'emparer du trésor an-
noncé ; ainsi que mes collègues, je m'empresse comme pour sai-
sir avant eux la pièce , objet de notre curiosité, laquelle reposait
criminellement aplatie sur mon cœur palpitant de crainte. Re-
cherche inutile ! l'écriture du grand homme resta aussi invisible
pour ces messieurs qu'elle m'avait paru illisible, et le docteur M...
ne doutant point que sa femme seule eût pu soustraire l'auto-
graphe pour le montrer à ses amies, promit de nous l'apporter le
lendemain au bureau du journal, afin de nous le soumettre.
   Hélas ! l'infortuné vint, le lendemain, mais pâle d'angoisse et
de désappointement ; il nous apprit, en gémissant, la perte du
précieux manuscrit, perte , disait-il d'autant plus déplorable,
qu'il avait promis l'autographe à son ami et collègue M. le doc-
teur C . . . , lequel, possesseur déjà d'une magnifique collection
dans ce genre, lui en aurait dû le plus rare fleuron. Ses doléan-
ces furent si douloureuses , ses regrets si amers, que je ne tins
plus à l'idée de jeter dans un chagrin aussi vif mon excellent et
vieux ami M. le docteur M... ; je le pris donc en particulier et
lui fis, non sans un certain embarras et une certaine rougeur
l'aveu de mon larcin.
   Je dus me savoir gré de ce généreux effort de probité, car le