Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
176                      PIERRE REV01L.

comme dans les lettres, et les uns ne sont pas plus estima-
bles que les autres.
   Il faut bien reconnaître que certaines études de nu peu-
vent devenir un danger pour les jeunes élèves ; cette étude
se concilie mal, en effet, avec la fragile innocence de la pre-
mière jeunesse, avec ce céleste parfum de la vie, qui ne se
retrouve plus quand il s'est évanoui. Révoil avait, a cet égard,
pour ses élèves, une sollicitude de mère. Il s'efforçait de
nous mettre en garde contre les inévitables périls auxquels
notre jeune imagination se trouvait exposée. Il nous appre-
nait a idéaliser les formes de manière a les dissimuler, pour
ainsi dire, sous le voile de l'âme, et a peindre de manière
a contraindre le spectateur ému a n'éprouver que les senti-
ments que l'artiste a voulu lui-même exprimer. C'est ainsi
que dans la peinture, comme dans la statuaire, une femme
nue peut, sous une main habile, ne faire naître que des
pensées de pudeur et de chasteté. La fameuse Madeleine de
Canova est une preuve frappante de cette vérité.

   Révoil était donc, pour ses élèves, un véritable père, et,
comme presque tous les pères, il avait ses préférés, ses
enfants gâtés. Ceux-là avaient leurs entrées libres dans son
atelier. Il les faisait travailler après les classes, leur faisait
des lectures instructives, leur donnait des leçons d'histoire
dans ses rapports avec la peinture et les menait même a la
messe le dimanche.
   Il ne s'en tenait pas fa ; ses meilleurs élèves n'étaient pas
toujours les plus riches et les plus instruits ; à ceux-là, il
faisait donner des leçons par M. Desplace , qui était alors
l'un des bons chefs d'institution de notre ville ; et quand sa
bourse ne suffisait pas à cette dépense, il payait M. Desplace
en croquis, en dessins, même en petits tableaux. Sa sollici-
tude ne s'arrêtait pas à nous, elle s'étendait jusqu'à nos