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PIERRE REV0IL. 175 il trace du bout de ses doigts, trempés dans son sang, une croix sur son e'cu au champ d'or, sans se douter que ce touchant emblème de sa piété, devait composer plus tard les armes de sa famille, Révoil n'était pas seulement homme du monde, il était avant tout et surtout peintre et professeur. On eut dit qu'il était né pour l'enseignement. L'a, sa bienveillance naturelle prenait une teinte de gravité qui n'excluait ni la confiance ni l'abandon, mais qui appelait le respect. Il paraissait tou- jours devant ses élèves, dans une tenue sévère qui semblait un hommage rendu a la dignité de ses fonctions. Sans pros- crire la gaîté et l'entrain naturels à la jeunesse, il condam- nait sévèrement les excentricités traditionnelles de l'atelier, excentricités auxquelles les enfants de la palette se laissent trop facilement entraîner. La peinture, a ses yeux, était un sacerdoce, et, ses efforts constants tendaient a nous en faire sentir la dignité. Il nous rappelait que ce sont les lettres et les arts qui forment le goût des nations et qui leur impri- ment ce véritable cachet de grandeur dont les siècles qu'ils ont illustrés sont restés en possession. Il pensait que ce n'était pas assez pour un artiste de se faire admirer, il vou- lait aussi qu'il se fit estimer ; il voulait que les sujets traités par ses élèves fussent propres a exciter les passions géné- reuses, et qu'ils fussent empreints d'une pensée honnête rendue honnêtement. Il avait raison ; la peinture est une langue, comme la parole , et il n'est pas plus permis de prêcher le mal dans l'une de ces langues que dans l'au- tre. L'orateur ou l'écrivain qui viole les lois de la morale ne peut échapper au blâme qu'il mérite, pourquoi ce même blâme serait-il épargné a l'artiste, qui, dans une lan- gue plus dangereuse encore, inoculerait a la foule le même poison ? Il y a des chevaliers de Faublas dans la peinture