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HUMBLE REQUÊTE 151 encore si loin de nous. Déjà , et les derniers recensements en font foi, notre population, depuis trente ou quarante ans, s'est trouvée réduite de près des neuf dixièmes. El sur cent indi- vidus se nourrissant exclusivement d'insectes ou vivant à la fois de baies et d'insectes, que l'on comptait il y a près d'un demi siècle, à peine en compterait-on dix ou douze aujour- d'hui. Celte observation n'est, hélas ! que trop exacte, fondée qu'elle est sur des chiffres habilement groupés, lesquels, comme vous l'a dit M. Thiers, ne sauraient jamais tromper personne. Nous voilà donc en grand train d'aller rejoindre, dans les catacombes de l'histoire naturelle, la place scienti- fique occupée par les animaux antédiluviens. Mais, sans aller si loin, voyons quels symptômes ont jus- qu'ici accompagné celte diminution effrayante, occasionnée dans l'espèce des petits oiseaux, par les abus déplorables de la chasse et particulièrement de la chasse au filet. Hélas ! sans parler de la désolation de notre race, qui s'éteint sans gloire, et sans que l'histoire contemporaine ait seulement daigné s'en apercevoir, trois calamités sont encore à signaler, qui affectent plus ou moins sensiblement les intérêts les plus chers de la race humaine, à la sympathie de laquelle nous adressons cet humble appel. En premier lieu, s'il vous es! quelquefois arrivé de dé- serter, l'été, la poussière de vos boulevards ou la boue de vos villes, pour aller comme les simples villageois humer l'air frais du malin et promener vos pas sous les ombrages des champs, vous avez dû, comme tout le monde, être frappés, affligés sans doute, de ne plus entendre ce que vous admiriez tant à quinze ans : ces gais concerts, ces doux gazouillements des petits oiseaux, qui versaient dans vos cœurs purs tant de pures jouissances. C'est, voyez-vous, que ces chantres divins onl succombé sous l'influence que Brillât-Savarin a fata- lement exercée sur son siècle, dont il a si fort contribué à com- pléter la matérialisation. Que si parfois vous entendez encore dans vos bosquets quelques chants rares et isolés, qui vous rappellent vos plaisirs d'autrefois, croyez le bien c'est le chant du cygne, que bientôt vous n'entendrez plus. Ainsi se trouvent vos bocages silencieux dépourvus de leurs plus doux charmes-, mais patience, tout à l'heure nous vous les mon- trerons bien autrement déshonorés. En second lieu, par l'abus inoui que depuis quelques années vous avez fait de l'exercice de la chasse, voilà que vous avez presque entièrement tari, dans leur principe, la source de ce qu'il vous plaît d'appeler les plus nobles jouis-