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92 NICOLAS BERGASSE. tance, et Bergasse fut condamné comme suspect, le 18 bru- maire au m, à la détention jusqu'à la paix. Nous croyons trop aisément aujourd'hui que tout danger de retour à la Terreur était tombé avec le règne du comité de salut public. On oublie que le 9 thermidor n'avait été qu'un épisode de guerre civile entre les terroristes, que Tallien avait abattu Robespierre comme Robespierre avait abattu Hébert et Danton, et que deux mois après cette date de libération la Convention en corps conduisait solennel- lement les restes de Marat au Panthéon. C'est dans cet in- tervalle d'hésitations peu rassurantes pour des condamnés poliliques que Bergasse se vit consulté dans sa prison par un jeune compagnon d'infortune qui élail venu réclamer à Paris la restitution des biens de son père mis à mort et dépouillé par le représentant Vadier. Aussi prompt à s'enflammer con- tre l'iniquité que lorsqu'il plaidait devant la chambre des Tournelles, l'ancien avocat au parlement dicta au fils de la victime quelques pages d'une effrayante énergie contre le régime de sang dont les tronçons, désunis le 9 thermidor, cherchaient à se rejoindre. « Quoi ! osa s'écrier le jeune Darmaing en face des juges de Louis XVI, la Convention fléchirait devant une troupe de misérables dévoués à toute l'ignominie des siècles ! Assise sur les tombeaux où gisent abattues tant de générations détruites, elle ferait pacte avec leurs bourreaux!... Non, non, cela ne sera pas ! Tous ces spectres plaintifs, que je crois voir siéger à côté de chacun d'entre vous pour lui reprocher sa politique indulgente ou sa honteuse faiblesse, rentreront consolés et vengés dans leurs tombeaux... » On dit qu'à celte image saisissante la terreur passa dans l'âme de ceux qui avaient régné par elle, pen- dant quatorze mois, et que chaque membre de la sanglante assemblée se retourna vers son voisin, comme pour chasser le fantôme évoqué. Bergasse prisonnier eut la gloire de ga-