page suivante »
90 NICOLAS BERGASSE. médies. Figaro travesti sur ses vieux jours en héros de la Morale en action, il y aurait eu là , si la pièce avait pu rester au répertoire, de quoi compromettre ce type de garnement populaire si gai, si retors, si fertile en bons tours, si auda- cieux diseur de mauvaises vérités, dont la création reste le vrai génie et la vraie gloire de Beaumarchais. L'ancien député de Lyon était donc depuis longtemps ré- duit à se cacher, et occupait activement sa solitude à pré- parer le plan de constitution promis au roi, lorsqu'il vit un jour entrer chez lui son ancien collègue Malouet,qui était dans le secret de sa retraite et de son travail, et qui venait le presser d'en finir ; car, lui dit-il, de grands événements étaient proches. Justement il ne restait guère, comme l'ob- serva naïvement Bergasse , qu'une ou deux pages à rédiger ; elles le furent séance tenante, et Malouet put emporter sous son bras la précieuse recette destinée à sauver l'Etal. Or, le lendemain de ce jour devait s'appeler le 10 août ! Détail cu- rieux à révéler, car s'il nous montre la vanité du génie de l'homme dans les plans de la Providence, il apporte un nou- veau témoignage en faveur de celui que ses contemporains avaient appelé le roi honnête homme. A la veille de quitter les Tuileries pour une vraie prison, le Roi Louis XVI voulait croire encore à la monarchie constitutionnelle, et se préoc- cupait de rechercher avec un de ses plus intimes conseillers la voie perdue de l'ordre et de la liberté. Quelque temps après, le fameux plan de constitution était retrouvé dans l'armoire de fer brûlé. Une autre exemplaire envoyé à Lyon a disparu pendant le siège : de telle sorte que de cette élu- cubration d'un philosophe et d'un politique chrétien écrivant au bruit de la chute du trône, il ne nous reste rien aujour- d'hui que des bases générales qui sont partout, et un ensei- gnement de constance et d'honnêteté qui veut à lui seul au moins autant que la constitution perdue.