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40 LE CHATEAU DE CARILLAN. à moi et un sentiment plus vif à ma sœur. Elle est libre et personne ne voudrait contraindre sa volonté. Elle t'accueille, que parles-tu de rupture? Réunissons-nous plus étroitement au contraire ; ne formons qu'une famille sous les yeux de ma mère qui s'en réjouira au ciel!... « Au lieu de ce messager de bonheur qu'une trop belle âme pouvait seule rêver, il ne vint qu'une lettre froide et diplomatique. Gersol, y était-il dit, ne s'était jamais aperçu d'un penchant de son ami pour sa sœur, penchant qui le peinait profondément pour Julien et qu'il déplorait de n'avoir pu prévenir. Dans les circonstances actuelles, Mlle Gersol était promise à un riche agent de change de Paris ; elle avait agréé ce mariage qui avait flatté tout d'abord et son frère et son tuteur. Julien devait donc oublier son rêve, dont il était cruel mais opportun de le réveiller. Comment avait-il pu se flatter d'être un parti pour Mlle Gersol?... On se plaisait à reconnaître toutes ses bonnes qualités ; mais il était jeune. M1,e Gersol était en âge de s'établir. Elle ne p'ouvait attendre qu'il eût fini un long stage dans une carrière comme la ma- gistrature, où les services sont lentement reconnus et peu payés. Gersol accordait à Julien la rupture demandée; mais il lui gardait son amitié, espérant qu'un jour, l'oubli aidant, il serait payé de retour. « Peu après , Julien avait fini ses études et quittait Paris. « 11 ne s'occupa point du mariage, qui se fit plus tard. Il vint ici, triste, rêveur et souffrant. Son père eut peine à le reconnaître. « L'amour du travail, son activité, sa gaîté l'avaient aban- donné. Nous ne fûmes pas longtemps à soupçonner la cause de son abattement. Il nous l'avoua. Dix-huit mois s'écoulèrent sans que rien se passât de remarquable et sans qu'il recou- vrât notablement sa tranquillité. M. Leroy était profondément peiné des chagrins de son fils qui, outre leur bonheur dômes-