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                  LE CHATEAU DE CARILLAA.                    381

le monde et. d'ailleurs, c'est mon amie, répondit ma sœur.
    En même temps, elle me jeta un regard indiscret et inter-
rogateur, dont je compris fort bien l'intention, mais dont la
curiosité fut certainement déçue. En effet, je venais de voir
mademoiselle Laval pour la première fois, et de constater
que j'avais une jolie voisine. Ce n'était là qu'un agrément de
plus dans ma nouvelle résidence.
    J'étais si peu porté à donner aucune suite à celte gracieuse
découverte, et mon cœur était si loin de se vouer à la pre-
mière femme, que je négligeai plusieurs occasions qui s'of-
frirent de me faire présenter à mademoiselle Laval ; insou-
siance rare peut-être en un jeune homme, dont le cœur
est libre, mais qui s'expliquait chez moi par la passion dont
je m'étais épris pour mon travail bien-aimé et ma précieuse
solitude.
    Deux ou trois fois, Rose, ma sœur, m'engagea à l'aller
 chercher auprès de son amie, avec qui elle devait passer la
 soirée, et je m'excusais de me refuser à ce petit devoir, en
 protestant de ma répugnance à sortir de chez moi, à nouer
 de nouvelles relations. M. Laval lui-même semblait jaloux
 d'amener un rapprochement que je fuyais.' 11 invita vers ce
 temps ma famille à un dîner et me fit l'honneur d'une visite
 personnelle. Je m'excusai sur un voyage que j'avais à faire
 pour les intérêts de notre maison et que j'eusse pu aisément
 différer, si j'avais été jaloux de connaître mademoiselle Laval.
    Mon absence cadra à merveille avec la réunion de ma
 famille à celle du notaire, et je revins sans avoir songé seule-
 ment à ce plaisir, dont je m'étais si volontiers privé...
    Toutefois, depuis le jour où j'avais vu mademoiselle Laval
 dans son jardin, je trouvais à mon balcon une distraction de
 plus. J'y venais rarement sans chercher des yeux ma jolie
 voisine, et bientôt sa vue devint pour moi, sinon un besoin,
 du moins une habitude. Je l'apercevais souvent derrière la