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494                           CHARLES MICHEL.
aux frais de ses nombreux amis. Je m'inscris d'avance au nombre des sous-
cripteurs de l'ouvrage.
   Tout à vous, mon cher ami, et de tout mon cœur.
                                                      Joséphin SOULARY.
   J'ai passe dans le Bugey, les 19 et 20 mai courant, deux de ces journées
qui rendent les. gallons même poètes, et qui donnent aux poètes l'envie de
se faire, comme les grillons, un petit trou sous une motte de terre, le long
d'un sillon d'avoine, ou sous un buisson de prunellier sauvage, entre un
lièvre songeur et une perdrix couveuse.
                    A M. JOSEPHIN SOULARY, A LYON.
            Monsieur et cher >.octc,
    Vous me demandez de compléter, en ce qui m'est personnel, les élé-
ments que le directeur de la Revue du Lyonnais va recueillir de toutes
parts pour compléter, autant que possible, l'article biographique qu'il veut
 et doit consacrer à M. Michel.
    J'ai trop peu vu et trop tard connu ce cher et brave homme pour que
je puisse vous donner sur son compte beaucoup de renseignements. C'est
depuis deux ans seulement que j'avais eu le pi iisir et l'honneur de faire sa
connaissance. Il ne faisait que passer par Avignon tous les six mois, et les
deux dernières fois que je l'y ai vu, il n'y a pas fait un long séjour; la der-
nière fois surtout je n'ai l'ait, pour ainsi dire , que l'entrevoir : il se rendait
précipitamment à Lyon, tourmente qu'il était par le mal qui'nous l'a ravi.
    J'ai de lui beaucoup de vers français qui datent du commencement de
notre amitié, ébauches faciles, distractions qu'il se procurait tous les jours,
dans un séjour d'un mois qu'il fil, celle fois, à Avignon. Tous les jours il
 abattait une pièce, une épilrc, un conte, une historiette, que sais-je ? pages
sans prétention aucune, Musa pedeslris. Pages qu'il écrivait, disait-il, par
besoin d'écrire. 11 m'avouait en effet qu'il obéissait comme à une irrésisti-
ble démangeaison poétique : il était obligé de faire des vers comme il éiait
obligé de dîner. Et c'était fort gai. Quand les sujets lui manquaient, il venait
m'en demander; et c'est ainsi qu'il a arrange à sa façon quelques uns
de mes contes : Le bon Dieu et saint Pierre, Maître Colas et ses trois fils, etc.
Il parlait de chez moi , à midi , n'ayant que le titre et le sujet de sa pièce,
et il revenait, le soir, sa pièce terminée dans une promenade autour de nos
vieux remparts, ou dans l'île de la Barthelasse, dont il aimait les beaux
ombrages. Et c'était écrit d'un seul jet, sans rature, c'éta't plein d'aimable
négligence, de verve primc-saulièrc , de ce bon esprit du vieux temps,
qui se fait si rare, de ce sel gaulois, que tant recherchent et que si peu
retrouvent.
   A celte époque, comme tous les jours, M. Michel était forcé-d'abattre
une pièce, il était pareillement forcé d'écrire une longue lettre, bien serrée
et toute pleine de gazouillements, à son ami M. Hugon, qui l'a devance
dans la tombe, ami dont il m'a tant parlé et avec tant d'enthousiasme, ami
dont la mort a, croyons-nous, hâté la sienne. J'ai revu M. Michel après la
mort de M. Hugon : ce n'était plus le même homme. Le ver rongeur était
danslefruit! Le fruit est tombé. Depuis cette mort, plus de vers coulants,
plus de prose riante. Je donnais à notre poète, pour le distraire, de jolis
sujets qui ne le tentaient plus et qu'il ne traitait pas. Plus d'Hugon, par-
tant plus de joie. J'augurai mal de ce silence, de ce besoin de rimer qui
ne se faisait plus sentir, de cette gaité si douce évanouie, dont je ne pou-
vais saisir de loin en loin que quelques éclairs, vrais éclairs ! qui, en mars
dernier, ne laissaient pas de m'inquiéler.
   Une des plus touchantes préoccupations de cette belle âme, c'est la
sollicitude, c'est l'amour, en quelque sorte paternel! dont M. Michel en-