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330                        LE DÉSERT.
      La lune vient, d'un reflet argenté.
      Couvrir le champ de son immensité,
      Sans qu'aucun bruit s'élève de la terre
      Sinon le cri du grillon solitaire,
      L'âme s'émeut, étonnée, en ce lieu
      Terrible et doux. Elle y reste ravie,
      Croyant dormir, au de-là de la vie,
      Dans le sépulcre, à la face de Dieu.

      Mais rassemblés sur la plaine isolée,
      Ou se traînant sur les pas incertains
      Du voyageur, la panthère hâlée,
      Le scorpion à l'écaillé brûlée,
      Le serpent jaune y gardent des instincts
      Toujours cruels, et jamais aux matins
      Non plus qu'aux soirs, aucune voix n'y chante ;
      Aucun oiseau n'a de plainte touchante
      Dans le bocage où, muet en courant,
      Le ruisseau coule. Un silence suprême
      S'étend partout, et le zéphir lui-même,
      Sans chuchoter, sous l'ombrage est errant.

       Or, aujourd'hui qu'au roulis de la foule
      J'ai fatigué mon esprit et mes yeux,
      Je voudrais voir, à mon tour, d'autres cieux,
      M'asseoir aux bords du ruisselet qui roule,
      A petit bruit, son gravier dans les champs
      Lorsqu'il rougit sous les soleils couchants.
      Je voudrais, libre, aspirer les arômes
      Des blancs sureaux, de l'hysope et du thym,
      En écoutant la fauvette des chaumes
      Chanter, dans l'air, aux clartés du matin,
      Car, avant tout, ce que mon cœur souhaite
      D'ici le temps où, comme l'alouette,
      Je devrai prendre aussi mon léger vol
      Vers le ciel bleu, c'est la brise embaumée
      Avec les fleurs, avec la femme aimée ,
      C'est le désert avec lerosignol,
      Moins la panthère à la gueule affamée,
      Moins les serpents accroupis sur le sol. —
                                                Sylvain BLOT.