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PATOIS LU LYONNAIS. 207
révolutions politiques et les triomphes des lettres françaises
ont passé sur les patois sans les anéantir.
En l'an II de la République, l'abbé Grégoire prononçait à la
Convention en style du temps un long réquisitoire dans le-
quel ces charmants langages de nos pères étaient voués a l'a-
bomination sous le nom d'idiomes féodaux. Plusieurs passa-
ges de son rapport sont bons a citer pour les faits qu'ils con-
statent.
« 11 n'y a qu'environ quinze départements de l'intérieur
« où la langue française soit exclusivement parlée. Encore
« y éprouve-t-elle des altérations sensibles, soit dans la pro-
« nonciation, soit par l'emploi de termes impropres et su -
« rannés .. Nous n'avons plus de provinces et nous avons
« encore environ trente patois qui en rappellent les noms...
« Plusieurs de ces dialectes a la vérité sont générique-
« ment les mêmes ; ils ont un fond de physionomie ressem-
« blante, et seulement quelques traits métis tellement nuan-
c ces que des villages voisins, que les divers faubourgs d'une
e
« môme commune, telle que Salins et Commune affranchie
« {Lyon) offrent des variantes...
« On peut assurer sans exagération qu'au inoins six mil-
« lions de Français, surtout dans les campagnes, ignorent
« la langue nationale; qu'un nombre égal est a peu près inea-
« pable de soutenir une conversation suivie ; qu'en dernier
« résultat le nombre de ceux qui la parlent purement n'excè-
« de pas trois millions et probablement le nombre de ceux
c; qui l'écrivent correctement est encore moindre.
Ainsi avec trente patois différents nous sommes encore
c pour le langage a la Tour de Babel, tandis que pour la li-
e
c berté nous formons l'avant-garde des nations (1). »
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(1) Rapport par Grégoire sur la nécessite et les moyens d'anéantir les
patois, et d'universaliser l'usigo de la langue française. Sénnre de la Con-
venu.>n du 16 prairial, un 2. — Moniteur du 18 prairial, n° 258.