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                   LETTRES A PROPOS DE LA FABLE

        LA CIGALE ET LA FOURMI.

    L'article que nous avons inséré dans notre livraison de décembre au
 sujet de la première fable de Lafontaine , nous a valu bon nombre d'adhé-
 sions flatteuses , et nous n'avons pas été sans quelque étonnement de voir
 qu'une explication si naturelle de la pensée de l'auteur eût besoin d'un
 commentaire. 11 a semblé à la plupart de nos correspondants et de nos amis
que nous avions fait une trouvaille et que nous révélions le fabuliste. Le
célèbre romancier qui a découvert la Méditerranée n'a pas dû être plus sa-
tisfait que nous , lorsqu'il recevait les félicitations du monde entier. Nous
 avions eu d'abord l'intention de publier quelques-unes des lettres qui nous
étaient écrites et qui venaient à l'appui de notre opinion, puis nous avons
pensé que les compliments qu'on avait la bonté de nous adresser n'auraient
peut-être pas pour nos lecteurs le vif intérêt que nous y avons trouvé.
Nous nous bornons donc à soumettre à nos lecteurs la réplique de M. Pierre
Larousse, tout en lui demandant pardon des expressions dans lesquelles il
a vu de la dureté ; nous y joignons notre réponse, et, pour clore ce grave
débat, nous détachons de notre correspondance quelques lignes d'un érudit
qui nous donne gain de cause. Que M. Larousse ne nous en veuille pas de
ce triomphe, il est bien peu de choses à côté des succès que lui valent ses
travaux sérieux. Voici d'abord la lettre de notre bienveillant adversaire :

            Monsieur,
   J'ai lu l'article que vous voulez bien me consacrer dans votre
 estimable journal; et je ne veux pas me refuser le plaisir de l'in-
sérer dans l'Ecole Normale. Je ne discuterai pas sur le fond de
votre critique : peut-être avez-vous raison de voir dans la pauvre
petite cigale, la poésie, cette sublime enchanteresse qui calme
nos douleurs, parfume notre vie, et que nous laissons souvent
mourir à l'hôpital : elle chante, elle chante, et les Midas du siècle
— ce n'est pourtant pas faute d'oreilles— ne l'entendent pas ou
l'envoient danser quand, souffreteuse et grelottante, elle s'en
vient crier famine et mendier un vermisseau. Toutefois, je vous
ferai remarquer que je m'adresse à des enfants, dont il vaut
mieux faire de prévoyants travailleurs que des poètes faméli-
ques. Mais ce que je ne saurais accepter, c'est la leçon un peu
dure que vous prétendez me donner à propos de ces deux vers :
              La fourmi n'est pas prêteuse,
              C'est là son moindre défaut
que je trouve, le dernier du moins, obscurs et en quelque sorte
inintelligibles. Cette remarque, je l'ai faite après tous les com-
mentateurs de Lafontaine, qui ne sont pourtant pas des Zoïles.
   Vous voyez là de ma part un manque de respect envers l'im-
mortel fabuliste. Permettez-moi une comparaison : tout le monde
admire la Vénus de Milo, le vulgaire aussi bien que les artistes ;
elle est même admirée de ceux qui l'attribuent au fameux sculp-
teur Milo, et je crois que ce sont ceux-là qui l'admirent le plus.
Eh ! bien, supposez que ce chef-d'Å“uvre ait une verrue quelque