Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
74                             BIBLIOGRAPHIE,
 qui en surveille l'entrée. Les côtes d'Europe disparaissent à leurs yeux,
 et bientôt des phénomènes nouveaux leurs apprennent qu'ils voguent sous
 d'autres cieux.
    Ici, Messieurs, nous laisserons Humboldt décrire lui-même les beautés
 du ciel de l'hémisphère austral :
    « Depuis que nous étions entrés dans la zone torride, dit-il, nous ne
 pouvions nous lasser d'admirer chaque nuit la beauté du ciel méridional
 qui, à mesure que nous avancions vers le sud, dévoilait à nos yeux de
 nouvelles constellations. On éprouve un sentiment étrange et inconnu
 lorsque, en s'avançant vers l'équateur, on voit s'abaisser graduellement et
 disparaître enfin les étoiles que l'on a appris à connaître dès sa première
 enfance. Rien ne rappelle plus vivement à un voyageur l'immense éloigne-
 ment de sa patrie que la vue d'un nouveau ciel. L'accumulation des
 grandes étoiles, et, des espaces remarquables par une noirceur peu com-
 mune donnent au ciel méridional une physionomie particulière. Ce spec-
 tacle émeut même l'imagination de ceux qui n'ayant jamais étudié les
 sciences élevées, contemplent la voûte céleste comme on admire un beau
 paysage ou un majestueux point de vue. On n'a pas besoin d'être bota-
 nislc pour reconnaître la zone torride au seul aspect de la végétation, et
 sans avoir acquis des connaissances astronomiques, on sent que l'on n'est
plus en Europe quand on voit se lever à l'horizon l'immense constellation du
Vaisseau ou les nuées phosphorescentes de Magellan. La terre, le ciel,
tout dans les régions équinoxiales prend un aspect étranger.
    « C'est dans la nuit du 4 au 5 juillet (1179), au seizième degré de lati-
tude, que, pour la première fois, nous vîmes distinctement la Croix du Sud :
elle était fortement inclinée et apparaissait de temps à autre entre des nuages
dont le centre, sillonné par des éclairs de chaleur, réfléchissait une lumièra
argentée. Le plaisir que nous éprouvâmes à la découverle de la Croix du
Sud fut vivement partagé par les personnes de l'équipage qui avaient habité
les colonies. Dans la solitude des mers on salue une étoile comme un ami
dont on a été depuis longtemps séparé. »
   Arrivé à Cumana dans la Venezuela, Humboldt obtint du gouverneur
de la province une escorte d'Indiens qui devait le conduire avec Bonpland
à la découverte des affluents do l'Orénoquc au travers de mille dangers.
Plaines sablonneuses à traverser au milieu d'épais brouillards, forêts pes-
tilentielles, cataractes à franchir dans de frêles barques, jaguars, crocodiles,
rien n'arrête ces intrépides voyageurs. Tandis que les bêles féroces font
entendre leurs cris dans le voisinage, que les moustiques lui font éprouver
de douloureuses piqûres, Humboldt aussi tranquille que s'il était encore au
château deTegel, observe avec attention le passage d'une étoile au méridien.
   Il enlend dire qu'une race depuis longtemps éteinte a laissé ses osse-
ments dans une caverne profonde, entourée de rocs escarpés, à laquelle
on ne parvient qu'à travers mille difficultés ; il y pénètre malgré les terreurs
des Indiens (Atures) qui n'osent profaner par leur présence le séjour des
morts. Humboldt enlève même plusieurs squelettes, qu'il ne parvient à
soustraire à la vue perçante des Indiens qu'à force de ruse, et qui lui ser-
viront peut-être un jour à faire connaître une race d'hommes oubliée.
Enfin, après avoir fait cinq cents lieues sur cinq grandes rivières parmi
lesquelles le Rio-iNogré qui n'a pas moins de 1,300 kilomètres et l'Oré-
noquc qui se déroule sur une étendue de 2,500 et envahit parfois les
campagnes jusqu'à !00 kilomètres de ses rives, Humboldt et Bonpland
revinrent à Cumana en proie à une lièvre violente qui mit leurs jours en
danger et ne céda qu'aux soins affectueux et éclairés des missionnaires
capucins.