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TRAITRE OU HÉROS? 61 vivre en lui l'homme des jours heureux où il était l'orgueil de sa famille et l'honneur de sa contrée. — « Je marcherai devant loi, dit-il au chevau-léger, et si tu venais à douter de mes intentions, mon fusil n'a jamais manqué son but ; n'hésite pas à l'éprouver sur le patjure, s'il ('arrivait d'en soupçonner un en moi. » Ils tinrent alors conseil, et il fut convenu qu'ils effectue- raient le trajet par mer, et que pour cela ils descendraient à Terra-Nova, où ils devaient trouver sans peine quelque bâtiment côtier qui les transporterait à Cagliari. — « Ephisio, dit Ulloa, vous avez peut-être quelques objets que vous désireriez ne point abandonner dans cette autre retraite où vous vous retiriez la nuit et que vous ne m'avez point fait connaître. Je suis prêt à vous y accompagner. — « Tu ne la connaîtras pas, répondit le bandit. Je ne puis oublier que tu es l'œil de la justice ; t'enseigner le che- min que lu me demandes, c'est trahir d'avance le malheu- reux qui aurait à le suivre après moi. Ne reproche pas au proscrit de laisser derrière lui un asile h l'infortune, » Ulloa n'insista pas. Ils se munirent alors des provisions qui pouvaient leur être nécessaires, avec la tranquille prévoyance de voyageurs à qui le but du voyage ne fait point oublier les besoins de la route. Les dispositions du départ exigèrent peu de temps. Quand elles furent prises, Ephisio promena silencieusement un suprême regard autour de lui et l'arrêta un instant sur ce jardin fatal devenu sa perte. Il était vert et riant ; quel- ques fleurs môme qu'Ulloa avait su y défendre du climat étaient au moment de s'épanouir. Le désert devait seul hériler de leurs parfums. Cependant, l'ombre montait peu à peu, et le soleil n'éclai- rait plus que les hautes cîmes de la montagne , quand les deux voyageurs quittèrent la solitude qui avait si long-