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TRAITRE OU HÉROS ? 53
vous, et permettez-moi ainsi de reprendre haleine sans que
ma lâche en souffre. »
Ephisio ne répondit en premier lieu à cette supplique que
par un simple regard de bienveillance ; puis, il parut se con-
sulter intérieurement et comme s'il se fût répondu à lui-
môme par un oui rassurant, son regard, de complaisant qu'il
était d'abord, passa à la confiance la plus entière. Le bandit
se levant alors de la pierre où il était assis, y déposa suc-
cessivement son fusil, son pistolet, son poignard et sa car-
touchière. C'était la première fois qu'il se séparait de ses
armes. ïl sembla môme déposer avec elles sa réserve habi-
tuelle, se mit à l'aise presque gaîment, s'accommoda en tra-
vailleur et alla prendre la bêche des mains d'Ulloa.
Un nuage de feu, Ã cette vue, passa devant les yeux du
chevau-léger qui sentit son cœur battre a briser son enve-
loppe ; il se voyait enfin maître du moment qu'il avait si
longtemps attendu.
Il ne jeta pas un seul coup d'ceil sur la pierre où reposaient
les armes. Le regard exercé du bandit ne put rien surprendre
en lui, au-delà du mouvement spontané, mais tout naturel
de satisfaction, que le travailleur fatigué manifestait à la ré-
solution imprévue qui, faisant droit, à sa demande, lui accor-
dait le repos momentané dont il venait d'exprimer le besoin.
Mais, tout en tenant les yeux fixés sur Ephisio et tout en
s'efforcant, par des observations adroitement multipliées, de
concentrer l'attention de son successeur au travail, sur le sol
que remuait sa bêche, il recula insensiblement dans la direc-
tion de la pierre, diminuant peu à peu la distance qui l'en
séparait; puis, ne sentant plus entre elle et lui qu'une faible
dislance qu'il mesura de l'œil avec la rapidité de l'éclair,
il se retourna, et, par un bond de panthère, se fut emparé
des armes avant même qu'Ephisio, tout à son travail, eût eu
le temps de s'apercevoir de cette hardie évolution.