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472 ÉLOGE HISTORIQUE
offert, ses opinions monarchiques ne lui permirent pas de
faire acte d'adhésion a un régime pour lequel n'étaient pas
ses sympathies. Il lui répugnait de se rallier, au lendemain
d'une révolution qui n'avait pas de raison d'être aux yeux de
bien des gens, et qui apparaissait aux. esprits sages plutôt
comme le tombeau que comme la restauration des libertés
publiques.
Ainsi rendu sans retour aux loisirs de la vie privée,
M. Servan de Sugny consacra les longues journées de sa
retraite à l'étude, se livrant, sans arrière-pensée et sans
réserve, a son penchant pour les lettres, qui allait lui ouvrir
de nouveaux horizons. Mais avant de vouer le reste de sa
vie à ce culte exclusif dé la muse, notre confrère voulut
rendre compte au public de sa carrière publique, au milieu
de laquelle une déplorable disgrâce était venue l'arrêter. Il
publia donc, en 1847, sa Fie judiciaire, restée sans réplique,
préparant ainsi à son biographe a venir les preuves à l'appui
de la réhabilitation qu'il aurait à édifier, pièces en mains ;
justification éclatante qui a permis au magistrat outragé de
retracer l'état de services distingués, et l'a obligé a déchirer
le voile que la modestie se plaîl à jeier sur les succès et les
triomphes. 11 est certaines révélations d'amour-propre que
le malheur seul autorise, l'homme qui a le sentiment de sa
dignité ne se décidant à parler lui-même de son mérite, que
lorsque ce mérite est ouvertement contesté. Telle était la
position de notre excellent confrère, en quittant une magistra-
ture qui était bien au-dessous de sa valeur personnelle, après
vingt années d'exercice, dans des postes qu'on peut appeler
aujourd'hui de commençants, toute carrière sortable devant
finalement ramener son titulaire au chef-lieu judiciaire du
ressort. Qui eût été plus digne cependant que M. Servan de
Sugny de parcourir les grades intermédiaires, comme tant
d'autres, et de venir ajouter l'illustration personnelle de son