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412 TRAITRE OU HÉROS? et (oi, sombre Limbara, qu'avez-vous fait de mon cher fils? « Qu'avez-vous fait d'Ephisio au cœur d'or, d'Ephisio le généreux, dont la main toujours ouverte ne se ferma jamais que sur celle d'un ami ou sur la poignée de sa vaillante daga? « Qu'avez-vous fait d'Ephisio le brave, qui eût conduit le plus farouche lion en laisse et qu'un agneau eût conduit lui-môme ? « Où est-il le frère jaloux et tendre, pour ne pas savoir que Thérésina, sa sœur, que la belle des belles dont une reine baisa le front et dont un roi eût baisé les pieds, « Que la douce enfant dont le regard faisait pleuvoir les roses dans son tablier (1) et dont la voix faisait taire le rossignol sous son dais de myrlhe, « Que la trop crédule fiancée, seule et trahie, a pris la terre froide pour belle-mère, le ver pour époux et les menus cailloux pour beaux-frères? « Où est-il, mon Ephisio ? où est-il pour ne pas savoir que la croix qui conduisit la fille dans sa triste couche nuptiale est à la porte de la mère ; et derrière la croix le prêtre et les chantres, et derrière le prêtre et les chantres, les amis et les parents qui répètent: « Où donc est le fils qui fermera les yeux de cette mère? » « 0 vous qui construisez mon tombeau, laissez-y une fenê- tre au nord, pour que le vent des montagnes puisse y entrer ; le vent des montagnes qui retiennent mon fils Ephisio ; « Pour que l'hirondelle vienne m'y parler de lui au mois où verdissent les feuilles, et le noir corbeau au mois où elles tombent; pour que le rossignol vienne m'y chanter, pendant les nuits d'été, les airs qu'il a appris de Thérésina ! » Ulloa, en finissant, leva les yeux sur son auditeur. Celui-ci (1) Allusion à l'usage commun en Italie de jeter des bouquets aux femmes dont on veut fêter la beauté et le mérite.