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                       TRAITRE OU HÉROS?                     411

 sure, mais avec une satisfaction qui ne fut point indifférente
 à l'amour-propre de l'hôte dont la main experte avait pré-
 paré la boisson dont elle était remplie. Celte boisson, agréa-
 blement odorante, était un produit de la fermentation simul-
 tanée de baies de genièvre et de myrthe dans de l'eau
 fortement chargée de miel. Elle remplace le vin dans la
 plupart des montagnes, où abondent les éléments dont elle se
 compose.
     L'hôte de Salvador lilloa était un homme de moyenne
 taille, fortement constitué et dans la verdeur de l'âge. Son
 regard chargé d'ennuis et de misères était intelligent et
 fier, mais n'avait rien qui annonçât des instincts cruels. Il
 l'attacha même sur le pèlerin avec une bienveillance triste et
pensive.
    Une épaisse barbe noire tombait à flots sur sa poitrine
et eût fait pâlir l'aile du corbeau. Il était armé d'un long
fusil simple et portait en ceinture une cartouchière à laquelle
pendait à droite un pistolet de fort calibre, et dans laquelle
était passé, à gauche, un poignard.
    Ulloa, rappelant tous ses souvenirs, croyait bien reconnaître
dans le mystérieux personnage en présence duquel il se trou-
vait, les traits si souvent signalés d'Ephisio Malipierri, mais
ce n'était encore la, chez lui, qu'un soupçon puissamment
fondé sur les apparences.
    Quand il eut terminé son repas, et tandis que l'inconnu,
appuyé sur un bloc de pierre élevé, le contemplait en silence,
le pèlerin, toujours assis sur l'herbe, prit sa lyre et après
un court prélude, commença, en s'accompagnant, la chanson
suivante, l'une des plus populaires parmi celles dont l'his-
toire d'Ephisio était devenue l'inépuisable sujet :
    « Lq mère d'Ephisio se désole, la mère d'Ephisio pleure
sur sa couche solitaire. Elle se tourne vers les montagnes
et les querelle toutes : « Sauvages montagnes de la Gallura,