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316 TRAITRE OU HÉROS? vent suffire à la lâche que je viens de décrire et qui leur est imposée par l'usage dans le cérémonial des funérailles; quelle que soit la rare prédisposition des femmes sardes aux exer- cices de l'imagination, toutes évidemment ne sauraient avoir au même degré la faculté poétique que suppose et qu'exige l'improvisation d'une prœfica. Il en est qui se distinguent par le degré éminent auquel elles en sont douées, el ce genre de supériorité leur acquiert une considération toute particulière. On les invite aux adieux à faire aux morts; chez quelques unes, ce talent devient un métier lucratif auquel elles s'exercent dans les travaux môme des champs en improvisant de petits poè- mes sur tous les motifs qui peuvent entretenir et développer leur besoin d'attendrissement et d'émotion, sur la destruction d'une fleur, la perle d'un agneau ou celle d'un cheval cher a son maître, sur un oiseau enlevé par les serres de l'épervier. Le corps d'Antonio rapporté dans la maison de l'épouse vierge et veuve, au milieu des larmes des deux familles el de la stupeur qui assombrissait la ville entière, fut déposé dans la chambre nupliale qui lui avait été préparée (1) et pour la- quelle, peu d'heures auparavant, les jardins si justement re- nommés de Sassari, s'étaient dépouillés de leurs plus belles fleurs. Il y fut placé le visage découvert el tourné vers la porle. Quand la nuit fut venue, les parents el les amis des deux maisons se présentèrent, et la chambre s'ouvrit devant eux. Les femmes marchaient les premières, velues de deuil et tenant à la main un mouchoir blanc; précédéeselles-mômes de la prœfica conviée pour la cérémonie, elles entrèrent en gardant le plus profond silence, ayant même l'air d'ignorer, suivant le cérémonial obligé, la morl de celui qu'elles ve- naient pleurer. • i. En sarcle, sa âomù e. letlu, la chambre du lil.