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 226                  TRAITRE OU HÉROS.

qui vont, en murmurant, porter la fraîcheur et la vie dans
les plantations de la vallée.
   C'était aux premières heures d'une nuit sereine ; le ciel
élincelait de vivants saphirs. Après une journée ardente,
j'étais à respirer les fraîches haleines du soir el à m'enivrer
des effluves suaves dont elles m'arrivaient chargées. Les
bruits avaient cessé peu à peu.
   On n'entendait au loin que le chant du rossignol s'épuisant
en longs soupirs sous les sombres berceaux que semblent
former exprès pour lui en Sardaigne les chèvrefeuilles et les
myrtes. Je'me rappelai, en l'écoutant, l'inimitable descrip-
tion d'une nuit d'Eden dans Millon : « Tout se taisait, hors
le rossignol, amant des veilles. Il remplissait la nuit de ses
plaintes amoureuses, et le silence était ravi. » J'étais comme
le silence.
    Tout à coup, je vis s'avancer dans la direction du lieu où
je me trouvais, comme une masse noire, descendant lente-
 ment de la montagne, et dont la dislance et l'obscurité ne
 me permirent point d'abord de m'expliquer la nature. Mon
 incerlilude ne dura pas longtemps. Après avoir un moment
 disparu derrière un massif d'arbres, le convoi se découvrit
soudain devant moi. Il se composait d'un capucin à barbe
blanche et de quatre hommes dans lesquels leur costume me
fit à l'instant reconnaître des paires montagnards. Deux de
ces hommes portaient un cadavre sur une litière formée de
branchages ; le bonnet rouge national qui cachait le front
et les yeux du mort et les flots mêlés d'une abondante barbe
inculte, ne me laissaient presque rien apercevoir des traits
de sa figure. Ses mains croisées sur sa poitrine y étaient re-
tenues par un chapelet enroulé à la fois autour de ses deux
poignets.
  A sou flanc gauche apparaissait un couteau de chasse passé