page suivante »
TRAITEE OU HÉROS. 219
néral Albert de la Marmora, autorilé si sûre en tout ce qui
touche une contrée à l'élude de laquelle il a voué son savoir
et sa vie.
S'il existe dans l'île de malheureuses divisions de la nature
de celles qui ensanglantent si souvent la Corse, il est pres-
que sans exemple qu'elles se fassent remarquer entre parents,
et l'on n'y voit point l'intérêt armer des mains fraternelles.
Le Sarde ne frappe que son ennemi personnel ; l'assas-
sinat est le solde sanglant d'une injure et non l'inspiration
d'une basse cupidité; la victime n'est jamais dépouillée.
Un manque de foi pour une promesse de mariage, uue pièce
de bétail disputée, un sort que l'on suppose jeté par un in-
dividu que l'on croit doué du mauvais œil, c'est-à -dire de
la faculté de porter malheur aux autres en les regardant, sont,
en Sardaigne, les causes ordinaires des querelles entre les ha-
bitants de la campagne, et surtout entre les pâtres. Ces der-
niers, et parmi ein, en première ligne, les pâtres qui habitent
les montagnes de la Barbagia et de la Gallura, ont beaucoup
de peine à laisser au gouvernement le soin de venger une
injure qui leur est personnelle. Ils ne sauraient concevoir quel
intérêt le roi, disent-ils, peut avoir dans leurs querelles,
el à tous les arguments de l'autorité, ils opposent celui-ci
comme irréfutable : « L'injure, le tor-t ont été faits à moi
seul, donc c'est à moi seul qu'il appartient de les venger. »
Ainsi nous retrouvons dans ce peuple méridional tous les
éléments du monde germanique, où la loi, au dire de Tacite,
commandait d'épouser les haines comme les amitiés de son
père et de ses proches ; nous y retrouvons chacune des idées
primitives de l'ordre social du Nord, l'unité et la pureté de
la famille, l'adhérence des parentés et ce sentiment de jus-
tice qui, combiné avec les passions du sauvage, produit la loi
intermédiaire de l'honneur ; loi qui supplée jusqu'à un cer-
tain point, a fait admirablement remarquer M. Moke dans