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ET DES MODERNES. 117 les causes secrètes ; ce n'est point une pure qusstion de science ou de littérature ; c'est une question de philosophie. L'apparition de la réforme , en livrant l'Europe à de re- grettables dissentions, nous semble avoir renouvelé dans l'occident le mythe de la boîte de Pandore. L'histoire nous montre que le monde moral, auquel elle prétendait donner l'équilibre, elle l'a au contraire ébranlé et bouleversé jusque dans ses fondements : parmi les principes qu'elle a enfantés,, il en est un qui a une puissance de destruction incalculable, c'est l'autocratie de l'individualité. La hiérarchie est une nécessité sociale, et l'harmonie dans l'ordre mdral comme dans l'ordre physique, ne saurait exister sans elle. La pro- clamation d'une indépendance trompeuse et l'apothéose de Ja raison individuelle , en fascinant les esprits comme tou- jours, ont porté atteinte à l'équilibre général : le libre arbitre a usurpé le rôle et le pouvoir d'une liberté illimitée ; l'unité a voulu se dégager du. tout et se faire sa propre loi, dans un esprit d'égoïsme impatient de toute suprématie. Les gé- nérations se sont peu a peu empreintes de ces tendances dissolvantes , et ont opéré autour d'elles la désagrégation des choses morales. Qu'on ne s'y laisse pas tromper ! En brisant la série des temps, chaque siècle devient isolé ; cette chaîne qui relie le présent au passé est ce qui fait la force et la gloire de l'humanité ; c'est elle seule qui peut, en re- montant de génération en génération, la rattacher à sa source divine. La révolte des individualités contre la tradi- tion fausse leurs destinées; car, sans la tradition, l'individu est comme perdu dans l'univers. C'est plus qu'un déni de justice : c'est la négation de l'autorité, c'est la ruine des grands principes, des droits acquis et des devoirs. Quand le doute, prenant la place des croyances qu'il a sapées, vient sans cesse tout remettre ainsi en question, c'est l'anarchie dans les esprits et l'instabilité dans les sociétés.