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LES JUIFS DANS LE MONDE. 497 opposée ; bref, c'est un faubourg immonde où grouille une population qui nous rappelai; la Cour des Miracles, si bien décrite par un de nos romanciers.Nous fûmes — et nous en ressentons encore vivement l'impression — nous fûmes singulièrement affligé de voir ainsi la nature humaine abaissée, avilie, grâce à un préjugé séculaire, grâce à une mauvaise éducation perpétuée pendant une série de généra- tions. Certaines gens disent systématiquement et répètent à satiété : Quoi qu'on fasse,les Juifs seront toujours de même,ignorants, cupides, crasseux. Tel est le langage habituel que nous entendions journelle- ment on Allemagne, en Hongrie même. — Les Anglais aussi formu- laient des accusations analogues contre les Irlandais. —• Quand, de parti pris, on veut avilir une classe d'hommes, on les considère et on les traite comme déjà avilis, et ceux-ci ne tardent pas à se croire et à devenir tels : si grande est la souplesse de la nature humaine. Mais si une mauvaise éducation peut rabaisser, avilir l'homme, une race tout entière, une éducation bien dirigée peut tout aussi bien la relever, la réhabiliter. C'est ce qu'on a déjà vu en France, à propos des Juifs, et ce qui pour eux. n'est certes pas fini, car, depuis le premier empire, deux générations à peine ont été élevées et vivent comme il convient à des citoyens, à des hommes. Il est des esprits qui renient cette grande vérité formulée par Leibnitz : « Livrez-moi l'éducation d'u:i peuple et j'en ferai ce que je voudrai. » A ces esprits qui, logiquement, soutiendront à propos des Juifs que la meilleure éducation ne peut détruire l'influence de • l'hérédité transmettant inévitablement les mauvais inslincis, les vices, nous répondrons qu'ils méconnaissent les lois de la physio- logie physique aussi bien que les lois de la physiologie morale. L'expérience journalière, en effet, ne constate-t-elle pas que les nègres, par exemple, à la suite d'un croisement répé é pendant quatre générations consécutives avec des Européens, finissent par devenir blancs ? — et réciproquement, les Européens peuvent en quatre générations devenir complètement noirs. Si la nature phy- sique peut être ainsi transformée, comment donc ne le serait pas la nature morale qui est bien autrement malléable ? Les hommes de talent, les génies qui éclairent l'humanité et la font progresser, ne sont pas si communs que vous deviez les rendre encore plus rares, en ne point favorisant leur éclosion, leur dévelop- pement (1) dans les classes déshéritées par la fortune, ou dans les (1) Gœlhe et Schiller démontrent, par des considérations fort originales, cette nécessité défavoriser le développement de toutes 32