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382             ÉLOGE DE M. DE CHANTELAUZE. '

 toutes ses années. On compare cette âme si pure et cette
 vie si agitée; ces aspirations si généreuses et ces doulou-
 reuses déceptions. Froissé dans ses sympathies, brisé dans
 sa carrière, délaissé par ceux qui ne lui pardonnaient pas
 leurs propres revers, méconnu par la foule qui ne croit
 qu'au succès, il a vécu séparé de la monarchie qu'il avait
 servie, de la parole publique qu'il a tant aimée, de la magis-
 trature dont il fut l'honneur, de la justice dont il fut le flam-
 beau. Les douleurs de famille et les souffrances prématu-
rées sont venues aggraver le poids de ses épreuves et il est
mort loin de ses foyers.... et la terre qu'il aima ne s'est pas
même ouverte pour recevoir sa cendre.
    Que dis-je? la fatalité ne s'est pas arrêtée sur sa tombe,
elle a encore poursuivi les siens. Son frère aîné l'a suivi de
près au tombeau; ce frère qui avait tout quitté, en 1830,
pour se faire le compagnon de sa captivité, est devenu son
compagnon dans la mort : six semaines après il n'était
plus.
    Et un mois plus tard, sa propre fille succombait a sa dou-
leur filiale. Cette jeune femme qui unissait le ferme esprit et
le grand cœur de son père, à (outesles délicates sensibilités
de son sexe, n'a pu survivre au père qu'elle avait tant aimé.
Rien n'a pu la retenir sur la terre, ni un époux digne d'elle,
ni les honneurs d'une heureuse maternité, ni même la sainte
résolution d'une résignation chrétienne. On se résigne, mais -
on meurt. La piété filiale n'a pu supporter cette fois le sa-
crifice qu'exige la loi de la nature.
    C'est que cette noble femme s'était attachée à son père
par la tendre perpétuité de ses soins, comme on s'attache à
un fils; c'est qu'il y avait en elle quelque chose du dévoue-
ment de la mère, qui grandit par les sacrifices, et les mères
ne se consolent pas. La voix de Rama répète encore :
Noluit consolari.