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374 ÉLOGE DE M. DE CHANTELAUZE. cendres ne sont pas refroidies; le temps des colères estfini, le jour n'est pas encore venupour l'histoire du passé, et celle de l'avenir n'appartient qu'a Dieu. Toutefois, la justice contemporaine n'a pas attendu peur apprécier les scènes de ce redoutable drame : les fureurs de la multitude, la fermeté du pouvoir, la dignité des juges, la noble attitude des accusés. Celle de M. de Chan- telauze fut calme, ferme, triste. Il se montra sûr de sa conscience, affligé de tant de catastrophes, ému surtout des malheurs de la Royauté ; il accepta sa part de responsabilité et prit pour lui le fardeau des colères afin de le détourner de l'exil. Cette attitude sera la nôtre. Cette modeste et courageuse mémoire^ ne me pardonnerait ni l'orgueil d'une apothéose, ni la faiblesse d'un désaveu. Défenseur des ministres fidèles de la royauté vaincue, serviteur fidèle de la royauté qui fut appelée pour pacifier le pays et se vit exiler a son tour, je ne me pardonnerais pas a moi-même un mot qui pût offenser la juste fierté de ces deux souvenirs. Mais, grâce a Dieu, tous deux se fortifient l'un l'autre, au lieu de se contredire. Je sais que je les glorifie tous deux en honorant de nobles caractères , en déplorant de grandes infortunes. Le procès, l'accusé, le défenseur, tout le passé enfin, enseignent l'union aux races royales comme aux peuples , et loin de vouloir, dans ce pieux hommage , rouvrir autour de cette vénérable tombe l'arène de nos tristes discordes, j'y voudrais dresser un autel à la paix de l'avenir. Mais je parle d'avenir et je n'ai pas terminé le récit des épreuves du passé. Le procès finit. Un arrêt de mort fut refusé aux clameurs d'une populace en délire, la vie des ministres fut sauve ; leur liberté fut sacrifiée pour longtemps.