page suivante »
370 ÉLOGE DE M. DE CHANTELACZE. et sauvegarde des nations ; garantie contre la témérité des Rois, péril pour les entraînements des peuples. Lui aussi chercha les limites mystérieuses et nécessaires, entre cette hideuse licence avec laquelle aucun pouvoir ne peut durer, et cette sage liberté sans laquelle nulle dignité ne demeure, nulle sécurité ne peut vivre. On a pu différer sur les conclusions de ce célèbre rap- port ; il a occupé tous les hommes d'Etat ; on a rendu hom- mage à la hauteur de vues qui le dicta, à l'éclat de la plume qui l'écrivit. Il ne songeait pas a flatter la royauté ; il voulait la servir. Il n'avait jamais rêvé pour elle ni la résurrection d'un passé impuissant, ni la création d'un despotisme impossible. Il voyait la royauté enfermée dans une impasse fatale. Sa fidé- lité s'indignait à l'idée de l'abandonner dans le péril su- prême. 11 espéra faire tète aux jours d'orage et reprendre ensuite le cours des institutions constitutionnelles qu'il avait toujours aimées, et défendues tant de fois. Sa prévoyance fut trompée ; sa conscience n'a pas failli. Enfin, les ordonnances parurent, le peuple se souleva, le trône s'écroula dans la lutte, la royauté prit le chemin de l'exil et les portes de Vincennes se refermèrent sur ses mi- nistres. Autour de la prison frémissaient les vengeances populaires, et bientôt un procès de haute trahison s'ouvrit devant la Cour des Pairs. Une grande épreuve pesa sur la vie de M. de Chantelauze, une haute faveur brilla sur la mienne. L'illustre accusé re- porta ses regards sur la ville qu'il avait tant aimée, sur le jeune barreau qu'il avait patroné tant de fois. Des souvenirs de mutuelle estime lui revinrent en mémoire. Il savait qu'il pouvait compter sur la sincérité de mon dévouement, et malgré ma jeunesse, il voulut bien s'en exagérer la puis-