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ÉLOGE DE M. DE CHANTELAUZE. 'âbà ou l'avocat qui juge, c'est l'organe de la société foulant aux pieds les passions, portant la loi dans sa main, dominant toutes les puissances et ne s'inclinaut que devant la justice. Cette éloquence, qui est tout ensemble une gloire et une vertu, n'eut jamais de plus digne interprète, Jamais de moyens subtils, d'arguments équivoques. La raison de décider largement conçue, simplement ex- posée, énergiquement déduite, l'éclat qui vient sans qu'on le cherche, l'émotion qui pénètre sans qu'on l'appelle, l'ampleur et la concision, la chaleur et la dignité, telle fut la grave et puissante parole de M. de Chantelauze. Il a brillé surtout par la hauteur des vues et l'impartialité du jugement. Ces deux grandes qualités se tiennent ; il est- si facile de se dégager des faiblesses et des nuages quand on plane dans les sublimes régions de la justice. Aussi, M. de Chantelauze devint le guide des magistrats dans les causes civiles, l'oracle du jury dans les causes cri- minelles. J'ai lu dans un recueil d'intimes souvenirs, écrit de sa main et gardé par son fils comme un précieux héritage, que sur mille arrêts que sa parole avait préparés, il n'en était pas dix qui se fussent trouvés contraires a ses conclusions ; encore plusieurs de ces dix arrêts avaient été frappés par la Cour de cassation, et la censure des arrêts était devenue pour le ministère public un véritable gage d'honneur. Il appréciait ce témoignage à sa véritable valeur, et sa plume toujours si modeste avait écrit : c'est là mon litre d'illustration. Il avait oublié les grandeurs politiques, il n'ai- mait que la gloire de la parole et le service de la justice. Cette parole s'était révélée plus puissante encore dans les causes criminelles. Personne ne concilia mieux les devoirs de la répression et les droits de l'humanité. Quand il requérait au nom de la loi, on sentait l'accent d'une conviction triste, ferme sans irritation, émue sans faiblesse, mais cette con-