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EXPOSITION LYONNAISE. 253 physiques ne l'exposent ni a de grands orages ni à de grands dangers de séduction. Un sentiment doux et profond se fait jour à travers ses traits amaigris et voilés de reflets nuageux qui accuseraient plus de faiblesse que de douceur si la pensée du peintre ne perçait les vapeurs du coloris , pensée inspirée , méditative et non rêveuse, qui gagne a être scrutée à mesure qu'on se familiarise avec l'expression maladive dont elle est revêtue. La Retraite de Sidi Ibrahim par M. le Marquis du Montmorillon produit de l'effet; le petit groupe de combattants déjà décimés a de la vie, du mouvement ; la scène est dramatiquement décorée par la nature elle-même. En un mot l'aspect général est assez satisfaisant pour détourner la vue de la recherche des détails dont le fini, notamment dans les figures, pourrait être poussé plus loin. Il y a sur la gauche un long coursier qui s'éloigne assez à temps pour ne pas cacher le tiers de la toile. Nous voudz'ions le voir déjà hors du cadre. Dans le carton d'un vitrail peint pour Saint-Etienne, M. Pagnon- Deschelettes a une belle figure, d'un ascétisme de bon aîoi, nullement maniéré, et d'un galbe heureux : c'est celle de Simon Stog à qui la Vierge remet le Scapulaire. M. le Marquis de Parcieu finit bien ses bustes et ses figures, trop bien même : le travail à la longue adoucit à l'excès, affaiblit même l'expression et le caractère qu'il a voulu leur donner. Il ne reste que de jolis modèles. A vrai dire, c'est déjà beaucoup. M. Paul Flandrin est comme toujours très-admiré par son école et ses partisans, dans l'arrangement de ses petites idylles avec ou sans personnages. Cependant, dès qu'onl'a admiré une fois, y a-t-il lieu de l'admirer à nouveau? Que de discussions , de que- relles même cette simple question a soulevées ! Nous sommes, nous, pour la négative , et nous préférons ses idylles sans personnages ! M. Perrachon est un de ceux qui travaillent le plus active- ment à nous délivrer des fleurs éclairées en plein jour par les procédés de M. Van-Schaendel ; nous lui en savons gré, parles méthodes et les arrangements les plus simples en apparence , il parvient à poétiser de petites fleurs qui s'agitent, qui bruissent encore en puisant leur dernière goutte de sève au fond d'un bocal empli d'eau. Sur les grandes toiles, les fleurs ne sont pas aïoins fraîches et moins coquettes, moins naïves et moins séduisantes. La nature non fardée et dépouillée d'artifices , y apparait avec la sublime nudité de la vérité, et exerce toute 3a puissance de ses charmes. La vie circule dans les tiges que l'on voit bouger, dans les boutons qui cherchent à s'ouvrir. Cette même vie, la vie de l'art, se retrouve, sous d'autres formes et avec d'autres manifestations, jusque dans les natures mortes du même artiste. Quelques efforts, quelques études de plus, et le séduisant réalisme de la fleur aura un nouvel et éminent interprète.