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208 LA BATAILLE DE BRIGNAIS, formée des soldats qui avaient servi dans la guerre des comtes de Foix et d'Armagnac, arriva d'Espagne et se joignit aux routiers (i). La situation du Pape devenait chaque jour plus critique. Innocent VI quitta Avignon avec le sacré collège, et vint se fixer à Carpentras. A bout de ressources, il ima- gina de prêcher une croisade contre les routiers. Bon nom- bre de gens d'armes, chevaliers et soudoyers, accoururent à son appel, « cuidant avoir grands bienfaits du Pape avec les « pardons de la Croiserie. » Mais quand ils virent qu'on ne leur donnait que des indulgences, ils se débandèrent et s'en furent chacun de leur côté , les uns en Piémont, les autres chez eux, un grand nombre même dans les rangs des rou- tiers. Avignon sans défense allait être emporté : Innocent VI, pour prévenir ce sacrilège, appela d'Italie Jean Paléolo- gue XVI, marquis de Monlferral, alors en guerre avec les Milanais, et le chargea d'acheter à prix d'or la retraite des compagnies. Les capitaines de bandes demandèrent pour eux et pour leurs gens, soixante mille florins «avec absolution de « peine et de coulpe. » Le Pape dut tout accorder et, à ce prix, les routiers rendirent le Pont-Saint-Esprit et suivirent le marquis de Monlferrat en Lombardie. Il resta néanmoins, en Provence, deux compagnies redou- tables, l'une sur la rive droite, l'autre sur la rive gauche du Rhône. D^autres bandes ne tardèrent pas à se former dans toutes les provinces du royaume, et la France entière fut li- vrée au pillage, jusqu'au jour ou Bertrand du Guesclin, réu- nissant les compagnies autour de sa bannière , entraîna derrière lui tous les Routiers en Espagne. L'abbé A. MEIXIER. (i) Sismonde Sismondi. Hist. des répub. italiennes, t. VJ, ch. 46.