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92                   PETITE CHRONIQUE LYONNAISE
propriété de M. Tabareau, les voyageurs n'avoient pris de provisions que
pour trois quarts d'heure. Ils ne se firent point de mal en descendant.
Malheureusement, faute de soins, on laissa brûler le ballon. Le peuple les
ramena en triomphe et portés à bras tendus sur des chaises. On les
mena à l'Archevêché, où étoit préparé un magnifique souper et de su-
perbes illuminations avec des devises sur la nouvelle terrasse. Ils allèrent
de là à la Comédie, où étoit le Roi. La femme qui montoit le ballon est
Lyonnoise d'origine et mariée à un machiniste qui montre des automates.
   Le souper chez l'Archevêque fut splendide, copieux mais détestable,
quant à la qualité des mets. Le Roi a été charmant, a parlé longtemps
avec notre prélat, sur une réconciliation des Protestants et des Catho-
liques, puis est revenu à son hôtel, a payé ses comptes et s'est remis en
chaise de poste. En général, on a admiré son esprit, mais non sa générosité.
   Juin. La «discorde au teint pâle a versé son fiel sur nos pauvres Pennons.
On craint même que dans la suite il n'en résulte quelque événement. Il
s'agit de revers d'uniforme que plusieurs ont fait mettre à leurs habjts, et
qui ont été défendus très rigoureusement. On a même affiché une ordon-
nance qui enjoint de chasser tous ceux qui se présenteront ainsi.
   25 juin. L'affaire de la garde bourgeoise, au sujet des revers, continue,
et les esprits sont très aigris. Le quartier de Bellecour étant de garde
pour la petite Fête-Dieu, a résolu de les prendre, cependant, il n'y a
eu que quatre personnes qui aient persisté. Les Tilleuls étoient remplis de
curieux sur le midi, et plus de cinq cents personnes les suivirent jusqu'au
Change. Le capitaine a voulu dresser procès-verbal contre les quatre déso-
béissants, mais aussitôt les autres ont demandé permission d'aller pren-
dre leurs habits, afin que le procès-verbal fût pour tout le monde. Ils
s'atlendoient à aller en prison le lendemain. Le peuple, lorsqu'on les a
relevés le lendemain, couroit de toute part en criant bravo. M. Choignard,
en homme prudent, n'a donné aucun ordre ce jour là, mais la nuit on en
a mis trois ou quatre en prison, qui y sont encore.
  Du 5 juillet. L'affaire des revers est comme terminée. Ceux qu'on avoit
mis en prison y sont restés jusqu'à la réponse du Ministre, qui a confir-
mé les ordres du Consulat et ordonné d'abandonner les revers.
   On est très content de notre commandant M. Choignard, il conserve de
la dignité et se fait aimer. Il y avoit défense, le jour de la saint Jean, au
moment du feu, de laisser passer sur le pont Volant. Un de nos- sei-
gneurs, les comtes de Lyon, s'étant présenté, on le refusa ; il insista vi-
vement, la sentinelle lui ayant représenté qu'il lui étoit impossible de ne
pas suivre les ordres, le^comte furieux de ce que des bourgeois M corn-