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314          LETTRE INÉDITE 1)'ADRIEN LAMOURETTE.
mais la totalité ne pût être instruite de ce rappel : il échappa à
un certain nombre qui étoit déjà loin de la salle ;'et je fus de
 ce nombre. Voilà pourquoi mon nom se trouve dans la liste des
absents à l'appel nominal. M. Dupuis de Montbrison, l'un de
nos plus patriotiques députés, étoit à côté de moi, au moment
où l'on mit aux voix ; et il sait très-parfaitement que nous nous
sommes levés ensemble contre Lafayette.
   Voilà, mon cher ami, qu'elle a été ma conduite. Je suis ce
que j'ai été avant d'iller à Lyon, ce que j'ai é(é à Lyon et ce
que je serai, toute ma vie. Après cela, les méchants peuvent,
tout à leur aise, exercer sur moi leur besoin de nuire ou de con-
tenter des haines personnelles et fort étrangères à l'intérêt gé-
néral de la chose publique : ils ne me passionneront jamais
contre le torrent du fiel dont ils ont juré d'abreuver ma vie ;
et si tous les citoyens qui m'étoient attachés , et dont la con-
fiance faisoit mon bonheur, sont persévéramment entraînés par
les insinuations de la malveillance, j'abdiquerai, par amour pour
eux, une place que j'ai acceptée par amour pour eux; et aucun
sacrifice ne me coûtera jamais, lorsqu'il pourra servir à leur
bonheur, et à leur prouver le désintéressement de l'amour que
je leur ai juré. J'ai bravé pour eux, pendant cinq mois, les
poignards et les poisons de l'aristocratie et du fanatisme. Il
seroit trop cruel, à présent, d'avoir à supporter les haines des
patriotes. Je préférerai de leur épargner une telle injustice, à la
douloureuse nécessité de lutter contre. Je ne connois pas de sup-
plice plus insupportable que celui qui soumet l'homme de bien au
besoin de se justifier aux yeux de la probité séduite ou trompée.
0 ! tout cela, mon ami, me fait soupirer après mon ancienne et
paisible obscurité. Là, je jouirai de ma conscience et de ma
pensée ; là, je reprendrai le fil de mes anciens travaux civiques ;
là, je vieillirai tranquillement en invoquant le Ciel pour un trou-
peau que je chérirai toujours; et mon dernier soupir sera encore
un vœu pour sa prospérité et son bonheur.
                            Je suis tout à vous, mon bon ami,
                                     Adr. LAMOURETTE,
                            Év. du dcpl. de Rhône-et-Loire,