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214              DES AFFINITÉS DE LA POÉSIE

beaucoup de fautes, troublé l'Etat, accéléré sa perte, on ne
saurait le méconnaître ; mais sans elle et sans le commerce
d'où elle est sortie, Athènes n'eût été peut-être qu'une se-
conde Sparte et non l'école radieuse de la Grèce. Aussi les
commerçants, la population du Pirée, les marins lui restè-
rent-ils particulièrement attachés. Aristote a remarqué cet
attachement en l'opposant aux inclinations péléponésiennes
des laboureurs des bords de l'Illissus et des bergers du mont
Parnès. Et Platon, lorsqu'il traçait le plan de son aristocra-
tique cité, posa en principe qu'elle devait être éloignée de
la mer, car il comprenait que ce voisinage la tuerait.



   Jusqu'ici c'est le côté industriel et commercial de la civili-
sation athénienne qui a de préférence attiré notre attention ;
nous avons négligé sa poésie et ses arts. Mais en réalité avions
nous à en parler? Ni leur perfection, ni leur supériorité in-
trinsèque ne sont en cause. L'essentiel pour nous a con-
naître, c'était le fonds social qui avait servi de support a ces
arts, le terrain dans lequel cette poésie, éternel monument
du monde, a plongé ses racines.
   Toutefois, pour compléter cette étude, le moment est venu
de nous demander si le rang que l'artiste occupait dans la so-
ciété athénienne était en rapport avec le sentiment que son
Å“uvre inspirait. L'admiration pour l'Å“uvre rejaillissait-elle en
considération sur la personne? De l'artiste à l'artisan quelle
était la différence? Quelle position lui faisait, en dernière
analyse, l'opinion et les mœurs? Etaient-elles disposées a lui
attribuer une prééminence morale et à le ranger, par une
sorte de fiction hiérarchique, dans une classe à part et en
quelque sorte dans la région des capacités, pour emprunter
un mot à une langue politique déjà oubliée?
   Je crains bien que sur ce point, comme sur beaucoup