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BIBLIOGRAPHIE. HISTOIRE DE LA PREMIÈRE CROISADE, par M. J. F A. PEYRÉ, ancien magistrat, avec plans et cartes-itinéraires j Paris, Lyon, 2 gros vol. in-8. Ce n'est point d'aujourd'hui que les regards de la France se tournent vers l'Orient. Berceau de notre croyance et de notre civilisation, ce pays a toujours eu le privilège de nous appa- raître comme fatalement destiné à nous donner la lumière ou les ténèbres, la paix ou la guerre, l'opulence ou la ruine; de tout temps les souverains de l'Occident ont suivi les mouvements et les révolutions de cette belle contrée, prêts à profiter de ses désastres ou à parer aux dangers que l'esprit conquérant de ses peuples pouvaient leur faire courir. Depuis les expéditions de ces Gaulois aventureux qui jetèrent des essaims dans les plus riches vallées de l'Asie-Mineure, nos soldats n'ont jamais oublié le chemin de ces contrées bibliques tombées aujourd'hui dans la barbarie, mais que le percement de l'isthme de Suez promet de rendre à leur ancienne splendeur. Pour tous les esprits, c'est dans l'Orient que doivent naître les complications de l'avenir et des écrivains qui se consacrent à faire mieux connaître cette contrée et à élucider son histoire, répondent à la préoccupation la plus intime des peuples de l'Europe, à ce besoin de tout homme de tourner les yeux vers le point de l'horizon d'où va jaillir une crainte ou une espérance. Les Croisades ne furent point un fait isolé, ou l'entraînement irréfléchi de quelques esprits enthousiastes et turbulents. Le cri de guerre de Pierre l'Ermite ne fut qu'uue réponse à la pro- vocation d'Abdérame et le souvenir des Sarrasins, inondant la France, était présent à l'esprit de tous ceux qui prenaient les armes pour délivrer le tombeau du Christ ; l'Espagne était aux Musulmans, les Arabes et les Turcs menaçaient Constantinople, Moussa, poussant son coursier dans la mer et prenant Mahomet â témoin que la terre manquait à son épée, personnifiait cet esprit envahisseur que le Prophète avait soufflé à ses croyants. Il fallait détourner ce torrent dès sa source, pour empêcher ses ravages ; si Jérusalem n'eût pas été prise, l'empire grec eût été anéanti trois cents ans plus tôt et les Musulmans reprenaient, en tra- versant le Bosphore, leur projet favori, renversé une première fois à Poitiers, de porter le croissant jusqu'à l'océan du Nord. Lorsque l'empire du dernier Constantin tomba, il était trop tard, le fatalisme musulman avait perdu sa vertu et la civilisation chrétienne, en disciplinant la valeur de la race celtique, avait créé une barrière que les successeurs des califes ne devaient pas surmonter. Nous ne blâmerons donc pas, comme tant d'érudits modernes, ce mouvement qui conduisit nos pères à la suite de Pierre l'Ermite et de Godefroy de Bouillon; il était saint aux yeux des