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90 CONSIDÉRATIONS SUK l/ÉPOPÉE. s'y reflète sans cesse, et nous ne voyageons avec le poète, dans le domaine de la fiction, qu'enveloppés de tous côtés par la réalité. En parcourant à sa suite les trois mystérieuses ré- gions de la vie future, nous y retrouvons tout ce qui agi- tait la vie présente a son époque. De la, au charme de son merveilleux style à la fois si coloré et si précis, et qui a contribué a fixer la langue italienne, jusque-là flottante et incertaine, se joint l'attrait profond qu'on éprouve devant cette éclatante et immortelle apparition d'une grande épo que évanouie : de la l'intérêt éternel d'un tel chef-d'œuvre, de la les commentaires et les études sans fin auxquelles il a donné lieu. Parmi ces éludes, je dois citer en première ligne celles d'un homme aussi modeste qu'éminent, qui fut hélas ! pendant trop peu d'années, une des lumières les plus brillantes et les plus pures de la Faculté des lettres de Paris; vous avez tous nommé, Messieurs, votre cher et illustre compatriote, M. Frédéric Ozanam, dont la littérature et la religion déplorent encore la perte prématurée. Le Dante avait été l'un de ses poètes de prédilection ; il l'aimait d'un amour aussi intelligent que passionné ; il en savait par cœur presque tous les vers, et son admiration pour ce grand écrivain avait pris sa source dans l'examen approfondi qu'il avait fait de ses œuvres. La Sorbonne n'a point oublié et n'oubliera jamais les leçons éloquentes qui, dès le début, signalèrent son enseignement, et dont le Dante fut longtemps le principal sujet. Il me semble que j'entends encore cette voix émue, sincère, sympathique, qui allait jusqu'au cœur et en faisait toujours vibrer les cordes les plus élevées. L'auditoire était comme suspendu h sa parole. Dans Ozanam, en effet, il n'y avait pas seulement un professeur, il y avait un véritable apôtre. Son âme tout entière parlait par sa bouche, par ses yeux, par ses gestes, âme ardente pour le bien, ne séparant jamais la raison de