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78 EXPOSITION. meur; ce n'est point, comme de nos jours, un industriel faisant du métieret disputant son salaire aux doigts crochus d'un auteur parcimonieux; ces sa- vants n'ont point débattu d'avance le prix de la composition et du tirage ; ils ont dédaigné de s'informer combien se paye le mille de lettres, et quand il faudra régler le prix de ces belles impressions ils ne lésineront pas avec acharnement sur les étoffes et le papier. Robert Estienne est sûr de l'avenir des enfants qui s'élèvent autour de lui ; sa femme partage ses travaux et tous deux comprennent les hautes pensées des hommes célèbres qui les entourent. Dans un ordre bien inférieur, le n° 122 nous offre de gracieux détails. Une jeune Femme et son Enfant, XVI e siècle, par M. Comte, est un petit tableau d'une délicatesse infinie. La femme assise pose un peu pour le spectateur ; l'enfant pleureur qui se tient à sa robe est charmant de naïveté; meubles, tapis et vêtements sont rendus avec habileté, la lumière éclaire à souhait ; ce petit tableau ne prouve rien, mais c'est une des plus jolies productions du salon. Bien supérieur est le n° 121, du même auteur. Le cardinal de Richelieu avec ses chats, s'élève à la hauteur d'un tableau d'histoire par la dignité, de la pose et la prodigieuse finesse d'intelligence du principal personnage, la grandeur et la richesse de l'ameublement et surtout par cette carte de France qui là n'est point un ornement banal, mais qui, posée à côté du re- doutable minislrc, indique ses préoccupations. Sans doute Richelieu vient de jeter un coup d'œil sur les frontières d'Autriche et d'Espagne ; il a posé un doigt sur La Rochelle et les Cévennes ; il a tracé un cercle autour de. la Franche-Comté et de la Lorraine ; pour le moment son œil pensif se repose sur trois ou quatre adorables petits chats qui se jouent et se cul- butent sur ses genoux, tandis qu'un plus gourmand, la tète à demi plongée dans une jatte, boit délicatement le lait que son Eminencc a préparé elle- même avec soin. Si le feu n'est pas assez ardent, et il est difficile de faire, en peinture, une flamme bien éclatante, si les colonnes de marbre qui soutienentla cheminée paraissent papilloter, enfin, si le célèbre père Joseph se penche avec un peu de familiarité sur le fauteuil du puissant cardinal, ce tableau est si heureusement conçu, si adroitement exécuté, qu'il n'en reste pas moins une œuvre de haute valeur ; ajoutons que l'auteur mérite de sérieux éloges pour le bon goût qu'il a montré en résistant à la coutume si commune et si populaire de faire une caricature de l'énergique tuteur di roi. M. Jaequand n'a pas eu autant de courage : amant de la popularité , il a été bien aise de suivre la foule et de se joindre à ceux qui jettent des pierres aux moines ; cela fait bien dans un certain public, et il est si doux de huer qui ne peut se défendre. Dans son tableau : Pêrugin à Florence, il n'a pas donné des têtes trop ignobles à ses religieux, mais il a eu le soin de glisser dans le livret celte explication anodine : « Avares et soupçonneux, les braves moines pour lesquels il peignait ne lui donnaient la précieuse poudre d'outre-mer qu'avec la plus prudente parcimonie. » N'est-ce pas bien trouve? et ce texte tiré de Vasari ne peint-il pas l'artiste qui ne voit dans un couvent qu'une mise en scène, et dans des religieux que des moules à vêtements? Peintre habile, taisant Vétoffe comme personne, M. Jaequand n'a jamais su élever son pinceau à un sentiment religieux, et si jamais il avait une église à décorer, il serait capable d'y glisser cette scène de contor- sions qui, sous le nom de Confession, appartient à notre musée. Combien j'aime mieux cet autre tableau de monastère où M. Dobbelaere nous montreHemmelwckmala.de à l'hôpital de Bruges, peignant la châsse de sainte Ursule. Kien là ne sent le pamphlet ; la composition est largement