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S30 CHRONIQUE THÉÂTRALE. mille livres de revenu ; vienne une affaire qui, en me posant au premier rang, me permette d'espérer ce revenu, et j'épouse. » A cela que répond Hubert ? « Va vivre à la campagne. On y vit bien et à peu de frais : » là -dessus couplet de facture contre l'émigration des campagnes vers les villes, etc., etc. Or, je dis que ce n'est pas là répliquer à ce que demandait la situation, la morale même. Il fallait faire rougir Philippe de sa lâcheté ; il fallait en appeler à son amour et lui dire : reste dans ta profession, marie-toi, vis à Paris dans la gêne, dans la pauvreté au besoin, mais fidèle à ton amour; si ton amour ne va pas juqu'à te donner ce courage, n'en parle plus. C'est, à mon sens, dans cet ordre de sentiments que devait être pris l'enseignement du poète, et j'ose croire qu'il eût été plus direct, plus élevé, plus véritablement moral que la thèse économico-pastorale, prêtée à Hubert, thèse incomplète, présentée sous un jour étroit, et dont la conclusion, résumée par ce vers : « Ayons moins de bourgeois et plus de paysans. » ne doit être acceptée que sous bénéfice d'inventaire. Outra l'enseignement explicite , celui que l'auteur met sciemment dans ce qu'il écrit , il y a toujours dans son œuvre l'enseignement involontaire , celui qui en ressort sans qu'il le sache, et cet enseigne- ment là n'est pas le moins curieux, car il est plus sincère. Ainsi, M. E. Augier, en nous introduisant chez Mme Huguct, n'a pas eu l'inten- tion de nous faire réfléchir sur l'état de la famille au XIX e siècle, et pour- tant quelle peinture instructive, sinon édifiante, il nous a donnée d'un intérieur moderne : nulle autorité d'un côté, nulle déférence de l'autre ; ni affection, ni respect ; des relations précaires, disjointes en quelque sorte, dépourvues de convenances ; et comme on sent que l'unité morale est absente de ce foyer ! La mère dédaigne son gendre qui le lui rend bien ; Cypriennc fait la leçon à Mme Iluguet, tout comme Mathilde, et Philippe ne trouve jamais un mot pour l'excuser. Tout cela n'empêche pas que dans celte excellente famille on ne se souhaite très-régiilièrcmeul la fête, et que le fils ne prenne la taille à sa mère en la poussant dans sa chambre. Le plus triste, c'est que le spectateur accepte la peinture comme toute naturelle et n'est choqué par rien de ce qu'il voit, tant la notio > vraie de la famille semble devenir confuse dans l'esprit de chacun de nous. Dans la grande scène du quatrième acte, où Mme Huguct fait devant son lils, sous forme de confession générale, un plaidoyer en règle contre la pau- vreté, elle est amenée à développer incidemment cette idée que, grâce à la richesse, une mère peut rester amante et épouse, et, en éloignant de