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472 DEUX ÉPÉES TROUVÉES DANS LE RHÔNE, - Si, comme nous, vous arrivez par une belle matinée d'été sur le plateau de ce rocher, vous jouissez d'une des vues les plus étendues elles plus agréables, que l'imagination puisse se figurer. Devant vous le Rhône dessine son cours jusque près de Lagnieu, après avoir franchi le dangereux passage du Sault,plus redoutable à cette époque qu'aujourd'hui; à votre gauche, apparaissent les fer- tiles plaines du Dauphiné qui font contraste avec les montagnes sombres du Bugey, situées à droite, montagnes qui vont se relier à la chaîne des Alpes ; enfin, derrière vous se dressent les monts bleuâtres de la Savoie, couronnés de neige, étincelant au soleil comme un minerai d'argent. C'est de ce point qu'Henri IV allant à la conquête delà Bresse et du Bugey contemplait le cours du fleuve et regardait scintiller les vagues qui se brisent sur les rochers du Sault. Il désirait rejoin- dre Biron qui venait de s'emparer de Montluel pour marcher sur Bourg. Un robuste marinier du pays demanda à lui parler : on le laissa s'approcher: «Sire, dit-il, daignez franchir le Sault dans ma barque, je réponds de vous, et chacun voulant vous imiter, mon nom deviendra glorieux et ma fortune sera faite : » — « Mon ami, répondit le Béarnais, nous ne sommes pas encore au temps des Rois et je ne veux pas fournir l'occasion de crier aujourd'hui : le Roi boit. » Mais revenons à notre récit. Le duc de Savoie, en ce moment en guerre avec Henri IV pour le marquisat de Saluées, avait envahi la majeure partie du Dauphiné, et s'était mis à construire un fort considérable à Barraux, vers l'entrée de la vallée du Graisivaudan. La proximité de Montmeillan, ville bien fortifiée, rendait cette construction peut-être inutile, mais la vanité du duc de Savoie se délectait à l'idée de bâtir sur les terres de France. On blâmait Lesdiguières, commandant du Dau- phiné, de souffrir une telle audatÉ^la cour murmurait hautement de son inaction, si bien que le Roi lui en adressa des reproches. Lesdiguières se contenta de répondre : Votre majesté a besoin d'une bonne fortification pour tenir en bride la garnison de Mont- meillan, puisque le duc de Savoie veut en faire la dépense, il faut le laisser faire, dès qu'il n'y manquera ni canons, ni munitions, je me charge de la prendre sans aucun secours d'argent. Ert