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!)S DE L'OISIVETÉ Parmi les professions, les unes s'appellent des métiers, les autres s'élèvent jusqu'à la dignité d'une magistrature ou d'un sacerdoce; mais, quel que soit le nom qu'on leur donne, quel que soit le degré d'intelligence, de culture et de mé- rite qu'elles exigent, c'est aux institutions professionnelles qu'il faut rapporter tout ce qui conserve les sociétés, tout ce qui les éclaire, les dirige et les défend. Supprimez ce qui se fait dans un pays à l'aide d'hommes groupés dans de certains rapports, et vous aurez supprimé le culte, la justice, l'enseignement, l'armée, le commerce; en un mot, vous aurez supprimé la société tout entière. Je ne ferme point les yeux sur les doctrines égalitaires suivant lesquelles les places rétribuées devraient être le partage exclusif de ceux qui ne jouissent pas de l'aisance. Mais, qu'on le remarque bien, les emplois n'ont pas été institués pour fournir un prétexte à des distributions de secours ; l'État n'est pas réduit au rôle d'un bureau de bien- faisance; il crée des fonctions, et il les rémunère pour qu'elles soient remplies par les plus capables et par les plus zélés. À ce point de vue, jugez de l'avantage de voir rechercher les emplois, d'une part, par les jeunes gens dont l'intelli- gence et l'activité suppléent aux difficultés de leur position, et, de l'autre, par ceux a qui la fortune et l'éducation de leurs parents ont permis de recevoir, dès le bas âge, les exemples et les moyens d'une culture morale perfectionnée. Au con- traire que les fils de familles aisées se tiennent a l'écart, et les cadres des professions seront, en partie du moins , remplis d'hommes qui n'étaient appelés 'a des carrières li- bérales ni par leur intelligence ni par leur éducation ; intru- sion dangereuse qui ne peut s'accroître qu'au grand préjudice de la société et de la dignité professionnelle. Quels que soient, pour la société comme pour les individus, les avantages du travail professionnel, on serait dans l'erreur si on considérait ce travail comme réunissant seulles caractè res d'unité, de suite et de coordination qui produisent des œuvres vraiment grandes et utiles. Dans la plus complète in- dépendance de position et par les actes les plus spontanés, on peut éclairer, servir et honorer son pays. Il n'est pas né- cessaire d'appartenir à un corps enseignant ou de vivre du fruit de ses écrits pour ajouter aux progrès des sciences, pour sonder les profondeurs de la pensée, ou pour élever les