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126 LE PÈRE DE LA CHA1ZE. ce que son intelligence trop puissante et troublée par le jansé- nisme avait si fortement ébranlé. Pascal fut toujours royaliste sincère, et nul plus que lui n'eut horreur des séditions ; c'est un fait hors de doute. L'effrayante hardiesse de son langage sur la propriété n'a point échappé à Chateaubriand : « Voilà dit-il, une de ces pensées qui font trembler pour Pascal. Quel ne fut point devenu ce grand homme s'il n'avait été chrétien? (Génie du Christianisme). Ces considérations nous montrent assez clairement tout ce qu'il y avait au fond de la doctrine du jansénisme de dangereux et de révolutionnaire. Pascal, le plus puissant organe de la secte, en déduisait les plus extrêmes conséquences avec toute la sûreté et la portée de sa logique. Mais ce grand et mélancolique esprit, si constamment détaché des choses de la terre au moment où il écrivait ses Pensées, n'eùt-il pas été le premier à les anéantir s'il eût pu prévoir le mal profond que plusieurs d'entre elles feraient germer après lui ? Aucun critique, si ce n'est M. Cousin, n'a aussi bien compris Pascal dans son ensemble que M. Havet. Or, voici le juge- ment qu'il porte sur l'influence exercée dans les temps modernes par ce génie extraordinaire. « L'esprit de Pascal a commencé les ruines que l'esprit du XVIIIe siècle et du nôtre a poursuivies, ruines par l'éloquence au dehors, ruines par la philosophie au-dedans. L'aclion destructive de ses idées se continue après lui et va bien au-delà de ses idées mêmes. Discours de tribuns, pam- phlets, éclats de la presse quotidienne, tout cela relève des Provinciales (1).» Ajoutons que plusieurs de ses Pensées sur les institutions sociales n'ont pas été sans influence, depuis le XVIII e siècle, et que M. Louis Blanc a fait à Pascal le triste honneur; de l'inscrire dans le calendrier révolutionnaire (2). Non seulement le jansénisme avait étendu ses ravages dans les parlements et dans toutes les dasses de Ja société, mais il (1) Pensées de Pascal, édition Havel, p. XLIH de l'Introduction. (2) « Par quelques-unes de «es pages immortelles, Pascal mérite d'être placé dans la tradition révolutionnaire. » Hist. de la Révolution française, par M. Louis Blanc, p. 374, t. I.