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                     LE PÈRE DE LA CHA1ZE.                       12!)

   C'est ainsi qu'en foulant aux pieds cette sublime raison dont
fut douée son âme, Pascal fut entraîné à proclamer le néant
absolu de tout ce qui émane de l'intelligence humaine. En affir-
mant l'impuissance de la raison, il est arrivé aux mêmes conclu-
sions, sur plus d'un point, que ce terrible disciple de Kant et
de Feuerbacli qui, pour avoir déifié la raison, a décrété dans son
omnipotence que « la propriété est le vol » et que « Dieu est le
mal. »
   Effrayante similitude , qui nous montre jusqu'à quel excès
d'aberration peut descendre l'esprit de l'homme, qu'il parte de la
négation de la raison ou de son infaillibilité. La sagesse ne
saurait être que dans la mesure , dans la règle , dans le bon
sens, dans le sens intime, dans la pratique de la loi morale, de
la loi évangélique. En voulant se frayer une voie hors des tra-
ditions fondamentales du christianisme et des sociétés civilisées ,
en proie au vertige, on marche droit à l'abîme.
   Le scepticisme de Pascal a un caractère tout particulier et
dont la critique ne s'est point assez rendu compte. Ce scepticisme
ne ressemble en rien au doute méthodique de Descartes, car si
Pascal fait table rase de toutes nos connaissances et de toutes
nos institutions, ce n'est pas évidemment pour arriver à la vérité
philosophique ; le scepticisme de Pascal, comme on l'a si fausse-
ment prétendu, n'est pas non plus involontaire ; jamais le doute
n'a subjugué son âme ; ce n'est pas aveuglément, ne pouvant
rien prouver, qu'il s'attache en désespoir de cause à la religion.
Non, le doute de Pascal est prémédité, il est « dogmatique. »
Pascal est janséniste, et c'est pour cela qu'il exagère et fausse
le christianisme ; c'est pour cela qu'il nie la raison individuelle
comme la raison générale, c'est pour forcer l'homme désormais
sans ressource et sans appui à se réfugier sans hésiter dans les
bras de la foi, qu'il lui montre son irrémédiable faiblesse et qu'il
fait autour de lui la solitude et le néant.
   Ce qui doit absoudre Pascal à nos yeux, c'est que ses pensées
les plus redoutables ne furent jamais qu'une pure spéculation de
son esprit ; il connaissait si bien d'ailleurs le danger d'une telle
discussion, qu'il s'est efforcé, quoique vainement, de raffermir