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520 LE PUBLIC AU THÉÂTRE. compter désormais avec son rival si longtemps dédaigné, se verrait réduit à tenir de nos mains quelques-unes de ses richesses. Dire que M. Halanzier songe mûrement à l'opportunité d'un semblable essai, c'est faire pressentir que le maestro qui en par- tagerait avec lui la responsabilité a déjà donné de solides garan- ties. Le nom de M. Simiot, si honorablement oonnu par d'origi- nales inspirations, répond à toute objection. C'est dans nos égli- ses , sur nos deux théâtres que notre savant compatriote a déjà fait ses preuves ; et l'audition d'une œuvre de plus longue haleine — je suis heureux de pouvoir l'affirmer non par ouï dire mais par ouï chanter — ne ferait que justifier les prévisions unanimes, toutes favorables à ce talent si riche de passé , si plein d'avenir. Mais hélas ! s'il suffit d'un coup de la baguette directoriale pour nous donner à tous ce plaisir, cet orgueil, que d'efforts indivi- duels ne devront pas être appelés à l'enfantement de cet em- bryon encore dans les limbes. Monstre inavoué, ou gracieux r e - jeton de la muse lyonnaise , oh ! pour celui-là son sort dépend entièrement de ses parrains et marraines. Qu'ils entrevoient un rôle applaudi, un succès personnel ; et chacun, créateur dans sa • sphère, dotant, comme ces bonnes fées de la fable, le nouveau-né d'un don particulier, lui aura bientôt conféré l'ensemble des perfections. Que la tiédeur actuelle, au contraire, s'invétérant de plus en plus leur fasse voir pour tant d'efforts un insuccès plus que probable, au bout du fossé, inscrite d'avance, l'heure de la chute l'avorton pourra être extrait par les fers; peut-être même lui fera-t-on la grâce de le baptiser au passage : mais il ne sera pas né viable. De ce long discours, voici la morale. Au théâtre comme sous de plus vastes horizons, presque toujours les prétentions qu'au premier coup d'œil on croit les moins conciliables fini- raient par s'entendre si chacun consentait à restreindre son droit dans la limite de son propre intérêt, sagement compris. Ici l'in- térêt est évident. On vient de voir de quel côté, en réalité, il se trouve. Un dernier mot va le montrer plus sérieux, plus pressant qu'on ne le croit peut-être. En matière d'art, dès qu'une œuvre est produite, le publie lui doit l'expression de son jugement. Fa-