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M. DE MIRECOURT 433 en résumé, la marchandise passait, quelque avariée, quelque insalubre qu'elle fût. Chose triste a dire, mais facile à com- prendre ! Parmi ces biographies, la plus venimeuse a eu trois éditions ; la plus graveleuse en a eu cinq. Les autres se sont vendues au prorata de leur degré de personnalité et d'immoralité. Déplorable thermomètre des goûts de la foule! En présence de ce succès, qui va, d'ailleurs, décroissant tous les jours, on ne peut refuser aux pamphlets de M. de Mirecourt une importance basée uniquement sur leur grande publicité. Le tirage considérable de ces petits volumes jaunes les a répandus dans une certaine classe de lecteurs peu sou - cieux de la forme, et aux yeux desquels les périodes creuses de M. de Mirecourt sont plus que suffisantes pour faire passer ses ineptes commérages. Le silence de la presse parisienne, — silence qui n'est interrompu que parles pério- diques réclames payées de l'éditeur du biographe, — et le mutisme presque général des biographies, fournissent à ces inestimables lecteurs de précieux arguments en faveur de M. de Mirecourt. « On ne réclame pas, disent-ils, on ne ré- « pond pas, donc les faits racontés sont vrais. » Je sais dans quel discrédit complet est tombée, à Paris, la spécu- lation du biographe; le mépris public en a fait justice. Mais, en province, nous n'en sommes pas là ; nous avons de braves gens qui prennent M. de Mirecourt au sérieux. C'est à ceux-là que cette étude s'adresse. Peut-être, après avoir touché au doigt les erreurs, les contradictions, les incon- gruités, l'ignorance de leur fournisseur de cancans, change- ront-ils d'opinion sur ce malheureux hanneton têtu, qui s'acharne, depuis trois ans, à une tâche au dessus de ses forces, et qui se cogne les antennes de biographie en bio- graphie, sans cesser un instant ses ronflements d'une mono- tonie enragée. Armand FRAISSE.