page suivante »
418 M. DE MIRECOURT.
« — Cette croix me vient de ma mère : elle est double-
« ment sacrée pour moi, Madame ! Eh bien, je vous jure, par
« les cendres de ma mère et le signe du salut, que vous
« n'aurez jamais à vous plaindre de mon indiscrétion.
« Les larmes de Mariette attestaient la sincérité de ses
« paroles. Isaure lui ouvrit ses bras.
« J'aime M. de Bougival, mon enfant, mais il n'obtiendra
« jamais de moi que ce qu'il obtiendrait d'une sœur.
« —• Oh! je vous crois , Madame ! »
Je ne puis m'empêcher de m'attendrir sur la belle conduite
de cette jeune Lyonnaise fringante et délurée , fine et matoise
et de la donner comme exemple aux femmes de chambre
qui éprouveraient le besoin de jurer sur les cendres de leur
mère.
Voilà assez de citations pour donner une idée de la forme
ridicule dont M. de Mirecourt enveloppe ses vertueuses his-
toriettes. On voit qu'il annonçait alors les plus heureuses
dispositions pour continuer le tendre Florian, le doux Ber-
quin, et le filandreux Bouilly. Comment tant de fiel est-il
entré, depuis, dans l'âme de ce bon jeune homme?
Nous reconnaissons toutefois que le style des biographies
de M. de Mirecourt diffère considérablement des échantillons
que nous venons de donner, tout en en conservant les traits
distinctifs qui sont la fausse sentimentalité, la déclamation
ampoulée et le manque absolu de tact et de goût. M. de Mire -
court en est à sa seconde manière. Son style s'est moder-
nisé et repose maintenant sur trois bases principales : le
langage précieux, l'alinéa et la métaphore. On sait que, de-
puis quelques années, certains écrivains essayent sur le bon
public cette mystification de lui donner cbmme une inven-
tion nouvelle les tournures alambiquées, les accouplements
bizarres de mots, les images bistournées que Molière a pla-
cés dans la bouche en cœur de ses Précieuses ridicules.