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412 M. DE MIRECOURT. œuvr'es publiques de l'homme. Il hésite, il tâtonne, il entre en malaise ; on voit qu'il n'est plus sur son terrain ; à peine a-t-il tente' une échappée dans la biographie publique et permise qu'il regrette le demi-jour de l'alcôve et de l'antichambre ; il y revient en hâte, mais ses rentrées mal raccordées ne sont pas heureuses et trahissent son dénûment d'idées en face des questions sérieuses. C'est ainsi qu'ayant dit que « Prou- « dhon cherchait dans ses veilles fiévreuses la solution du « problème que voici : « Pourquoi les uns naissent-ils dans l'opulence et les « autres dans la misère ? D'où vient qu'en ce monde il y ait « des hommes heureux et des hommes qui souffrent ? n {Proudhon, 23). On pourrait croire que M. de Mirecourt va s'occuper des solutions de Proudhon et en discuter la valeur. Nullement. La question l'éblouit et l'effare, cepourquoi acéré et tranchant fait clignoter son intelligence. Il détourne ses yeux de la lumière, et sait-on dans quel pitoyable échappatoire il se réfugie? Certes, jamais problème ne fut plus clairement et plus légitimement posé que celui de la misère et des moyens de la soulager; mais M. de Mirecourt n'est pas a la taille de la question, et, pour voiler son insuffisance, il cher- che a laire verser le problème dans une ornière ridicule ; ce mot de misère est triste et prête peu a la plaisanterie, M. de Mirecourt lui cherche un équivalent plus joyeux : J'ai trouvé, s'écrie-t-il, ce n'est pas la misère qui préoccupait Proudhon, c'est h privation de bifteck! Une fois ce mot spirituel trouvé, la tirade inévitable sort du dévidoir : « Oui, le bifteck ! le « ventre, la gourmandise, l'amour de tout ce qui est ma- « tière, de tout ce qui se mange, de tout ce qui se palpe, « de tout ce qui donne des joies sensuelles, la table du « prochain, son champ, sa vigne, son lit, sa maison, son « or, voila, quoi qu'on dise, le premier, l'unique mobile de « ces grands réformateurs! » {Proudhon, 24).